2014 03 28 : Le totalitarisme, c’était ça ! (Jan Palach)

Avez-vous regardé hier et ce soir sur Arte, le film en trois parties de la cinéaste polonaise Agnieszka Holland : Sacrifice ?

Jan PalachComme je l’avais exposé, ce film retrace le combat mené par la famille de Jan Palach pour réhabiliter la mémoire de cet étudiant qui à Prague le 16 janvier 1969 s’immola par le feu sur la place Venceslas pour protester contre l’invasion soviétique d’août 1968.

Le régime à la botte du « grand frère » soviétique avait immédiatement déclenché une intense propagande pour discréditer le geste de l’étudiant, notamment en accusant les leaders du mouvement étudiant d’avoir manipulé Palach en lui faisant croire qu’il s’aspergerait d’une substance inflammable ne dégageant pas de chaleur. Révoltés par cette « théorie du feu froid », la mère et le frère de Jan Palach attaquèrent en diffamation. Cette action judiciaire fut évidemment complètement occultée et même largement méconnue après l’effondrement du régime en 1989.

Dans ce genre du film historico-politique, on se méfie toujours un peu, car on a vu tant de navets qui manifestent du « courage » lorsque le danger n’existe plus, qui prennent leurs aises avec les faits, qui proposent une analyse ou une perspective faussée ou simpliste, qui idéalisent les héros positifs.

Là, rien de tel : le film est excellent.

Tatiana PauhofováPour autant que je puisse en juger, il s’efforce de servir la vérité historique et les acteurs sont parfaitement dans leurs personnages, avec leurs passions, leurs faiblesses, leurs doutes. Ainsi, par exemple, l’avocate Dagmar Burešová – remarquablement interprétée par Tatiana Pauhofová – qui fut chargée par la famille Palach d’assurer leur défense, mais subit et en partie céda à l’intimidation, aux pressions et finalement à la peur, même si vingt ans plus tard elle deviendra ministre de la Justice dans le premier gouvernement issu de la Révolution de Velours.

Et pour nous, ici, maintenant, ce film n’a pas seulement une portée historique. Alors que des dossiers d’actualité politique sont commentés de façon plus ou moins déformée ou enflée, certains désignant même les coupables, les innocents, le vice et la vertu, avant que l’instruction judiciaire soit close et que l’intégralité des faits soit donc connue. Certains manient inconsidérément la terminologie et la comparaison historiques et nous présentent une vision blanche ou noire, soit en invoquant des magistrats absolument neutres, soit en mettant en cause l’indépendance de la Justice.

Or le film nous montre ce qu’est un véritable régime totalitaire, une vraie police politique (en Tchécoslovaquie ce n’était pas la Stasi mais sa cousine non germaine la Státní), un personnel politique incurablement vil et une haute caste administrative naturellement servile.

A méditer pour relativiser les excès de langage actuels !

28 mars 2014