2025 02 06 : Leïla Slimani : J’emporterai le feu – roman

Voici le dernier tome de la trilogie romanesque Le Pays des autres.

Dans le premier volume de cette fresque historique, La guerre, la guerre, la guerre, Leïla Slimani nous présentait en 2020 la génération des grands-parents, Mathilde et Amine Belhaj-Daoud, créant et développant un domaine agricole entre la fin de la guerre en 1944 et l’indépendance du Maroc en 1956.

Dans le second, Regardez-nous danser (paru en 2022), on suivait le parcours des parents dans les années 70-80 : Mehdi jeune financier épouse Aïcha, fille de Mathilde et Amine, et obtient par faveur royale la présidence du crédit commercial du Maroc tandis que sa femme est gynécologue obstétricienne.

Dans ce troisième opus, J’emporterai le feu voici la génération des enfants, les sœurs Mia et Inès nées vers 1980, donc la génération de l’auteure. Elles s’efforcent d’être libres, l’une en s’exilant en France pour ses études et afin d’échapper aux interdits frappant son homosexualité, l’autre en choisissant la solitude pour ne pas subir un patriarcat dominateur.

La réflexion romanesque de Leïla Slimani conjugue finesse, nuance et lucidité pour nous parler de ce Maroc singulier, compromis instable mais pourtant durable entre droits individuels et pouvoir autoritaire, carrières au mérite et nominations par favoritisme, liberté de penser chez soi mais mutisme prudent à l’extérieur, modernité affichée et conservatisme affirmé.

Et comme dans chacun de ses romans, Leïla Slimani a l’art de camper d’emblée en quelques paragraphes la personnalité de chaque protagoniste, dans un style limpide et fluide. Toujours avec compréhension, humanité et indulgence : elle ne juge pas, même si parfois elle ironise. Autofiction ? Evidemment.

Avec une sorte de morale exprimée par le père Mehdi à sa fille Mia : « Mon amour, ne transige pas avec la liberté, méfie-toi de la chaleur de ta propre maison ».

Et puis, quelle leçon d’émancipation à travers la lecture : « Elle lisait partout, tout le temps. Les livres la protégeaient, la sauvaient de la honte que l’on éprouve à être seul. »

6 février 2025