Spleen et idéal : XXXV – DUELLUM

Deux guerriers ont couru l’un sur l’autre ; leurs armes
Ont éclaboussé l’air de lueurs et de sang.
Ces jeux, ces cliquetis du fer sont les vacarmes
D’une jeunesse en proie à l’amour vagissant [1].

Les glaives [2] sont brisés ! comme notre jeunesse,
Ma chère ! Mais les dents, les ongles acérés,
Vengent [3] bientôt l’épée et la dague [4] traîtresse.
— Ô fureur des cœurs mûrs par l’amour ulcérés [5] !

Dans le ravin hanté des chats-pards [6] et des onces [7]
Nos héros, s’étreignant méchamment, ont roulé,
Et leur peau fleurira l’aridité des ronces.

— Ce gouffre, c’est l’enfer, de nos amis peuplé !
Roulons-y sans remords, amazone [8] inhumaine,
Afin d’éterniser l’ardeur de notre haine !

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Georges Chelon 1997

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Terragon 2022

Goya, Quien lo creyera ! Capricho nº 62 – Cette gravure aurait inspiré à Baudelaire le sonnet DUELLUM

DUELLUM En latin : le duel.
[1] Ayant la voix plaintive du nouveau-né.
[2] Epées tranchantes.
[3] Au sens de : remplacent.
[4] Epée pointue courte.
[5] Au figuré : animé de ressentiment.
[6] Félins de la famille des lynx, à pelage fauve taché de noir et malodorants.
[7] Panthera uncia, aussi appelées panthères des neiges ou léopards des neiges, félin de l’Himalaya.
[8] Guerrière à cheval de l’antiquité.