Mon enfant, ma sœur, [1]
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté [2].
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre [3],
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde [4] ;
C’est pour assouvir [5]
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe [6] et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Léo Ferré 1957
Georges Chelon 1997
Cristina Branco 2014
Duparc – Elly Ameling
Duparc – Felicity Lott
Duparc – Jessye Normann
Duparc – Ludovic Tezier
Duparc – Mireille Delunsch
Duparc – Véronique Dietschy
Duparc – Véronique Gens
Mathilde
Charles Baudelaire, 1855 photo par Félix Nadar
[1] Baudelaire évoque sa maîtresse ou muse platonique Marie Daubrun.
[3] Ambre gris : matière ayant la consistance de la cire et une couleur cendrée, répandant une odeur particulière très forte, que beaucoup de personnes trouvent suave.