Spleen et idéal : L – CIEL BROUILLÉ

On dirait ton regard d’une vapeur couvert ;
Ton œil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?) [1]
Alternativement tendre, rêveur, cruel
Réfléchit l’indolence [2] et la pâleur du ciel.

Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés,
Qui font se fondre en pleurs les cœurs ensorcelés,
Quand, agités d’un mal inconnu qui les tord,
Les nerfs trop éveillés raillent [3] l’esprit qui dort.

Tu ressembles parfois à ces beaux horizons
Qu’allument les soleils des brumeuses saisons…
Comme tu resplendis, paysage mouillé
Qu’enflamment les rayons tombant d’un ciel brouillé !

Ô femme dangereuse, ô séduisants [4] climats !
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas [5],
Et saurai-je tirer de l’implacable hiver
Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ?

Léo Ferré 1967

Georges Chelon 1997

[1] Là encore certainement Marie Daubrun.
[2] Insensibilité, indifférence.
[3] Tournent en ridicule par des moqueries.
[4] Sens 1 : qui charment – sens 2 : qui induisent en erreur.
[5] Brouillard froid et épais qui se cristallise en tombant et forme du givre.