2021 11 05 : Brassens, écoutez sa musique

Octobre s’est terminé et s’est donc achevée la période de double commémoration de Georges Brassens : les 100 ans de sa naissance et les 40 ans de sa mort.

Dans les médias, radios et télés notamment, nous avons été gâtés : des dizaines d’émissions généralement intéressantes, certaines plutôt convenues et consensuelles, d’autres plus décapantes, selon qu’elles transformaient le vieux Georges (qui ne le devint pas du tout, vieux, hélas) en anar gentillet ou en pourfendeur des idées reçues.

De tous ces hommages, celui qui m’a le plus emballé et de loin, fut l’émission Une journée avec Brassens sur France 3 en soirée du 21 octobre.

Presque entièrement tournée à Sète, réalisée par Gautier & Leduc et présentée par Daphné Burki et Raphäl Yem, son choix fut de convier une trentaine de chanteurs et musiciens à interpréter leur chanson préférée de Brassens avec leur style, à leur manière et selon leurs arrangements.

Occasion, d’abord, pour les non-connaisseurs d’apprécier les mélodies et les rythmes de Brassens.

Car les paroles de Brassens qui ne les connaît, souvent par cœur comme moi ? Mais sa musique et ses mélodies ont souvent été sous-estimées : c’était d’abord tenu pour de la poésie chantée, Brassens ne semblait pas avoir de prétentions musicales comme d’autres grands noms de la chanson française.

Nombre d’entre nous savent évidemment que c’est faux et qu’il n’est pas besoin d’être musicien compétent et pratiquant pour y déceler une élaboration musicale remarquable.

On connaît la repartie mordante de Jacques Brel, grand ami de Brassens, à un journaliste prétendument musicologue qui un soir au bar après un Bobino de Georges, lui disait : « Ses paroles, superbes, mais sa musique, bon, c’est rudimentaire, minimaliste » et Brel de ricaner : « Bien sûr, tu crois que quand Sidney Bechet joue du Brassens, c’est pour ses paroles ? ». Car Sidney Bechet dès 1955 interprétait régulièrement et avait gravé cinq ou six chansons de Brassens.

Mais surtout ce qui me fait placer cet hommage de France 3 au-dessus du lot, c’est l’atmosphère vibrante d’amitié partagée par tous les artistes conviés.

Occasion de vérifier combien les mélodies de Brassens ne manifestent aucune susceptibilité, à l’instar de leur auteur : elles accueillent chaleureusement, sans façon ni difficulté ni réticence, celles et ceux qui y viennent y apporter leur ressenti et s’exprimer à leur façon dans la partition qui leur est généreusement ouverte. Nombre de grandes musiques, tout en haut de l’échelle classique ou variétale, sont moins ductiles et adaptables.

C’est un symbole à méditer : une forme musicale d’auberge espagnole au meilleur sens du terme, conviviale dirait-on, pour utiliser un mot qui n’avait pas cours du vivant de l’hôte de cette Jeanne qui le mettait quotidiennement en pratique.

Les grands chanteurs disparus laissent évidemment derrière eux admiration, nostalgie, ferveur. Mais cette amitié intense des participants, les plus jeunes comme ceux de ma génération, différents par leur parcours, leur style, leur voix, irradiait à travers leurs interprétations, leurs paroles, leurs regards, leurs sourires. Deux heures de magie poétique comme rarement j’en vois à la télé, qu’à cause de son indigence je délaisse de plus en plus…

Parmi les 200 chansons de Georges, ces invités en avaient choisi 25 ; si je dois en citer une à entendre encore et encore et à faire partager, face aux vents mauvais qui soufflent sur notre Europe et notre France, alors sans hésiter ce sera : La visite composée en … 1976.

Réécoutant cette émission, je fus irrésistiblement convoqué par les paroles d’un autre grand chanteur :

Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues

La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l’auteur
Sans savoir pour qui battait leur cœur

Parfois on change un mot, une phrase
Et quand on est à court d’idées
On fait la la la la la la
La la la la la la

Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues

Leur âme légère, c’est leurs chansons
Qui rendent gais, qui rendent tristes
Filles et garçons
Bourgeois, artistes
Ou vagabonds.

Une journée avec Brassens – La marine – Thomas Dutronc

 Une journée avec Brassens – Le gorille – Francis Cabrel

 Une journée avec Brassens – La visite – Gaëtan Roussel

 Une journée avec Brassens – La mauvaise réputation – Imany

Une journée avec Brassens – Le bistrot – Gauvain Sers

Une journée avec Brassens – Fernande – Joël Favreau

Une journée avec Brassens – Don Juan – Joël Favreau

Une journée avec Brassens – Les passantes – Iggy Pop

Une journée avec Brassens – Histoire de faussaire – Jean Louis Lambert & Nicolas Grosso

Une journée avec Brassens – Il n’y a pas d’amour heureux – Angélique Kidjo

Une journée avec Brassens – Saturne – Barbara Carlotti

Une journée avec Brassens – Les amoureux des bancs publics – Ours & Pierre Souchon

Une journée avec Brassens – Fernande – Carla Bruni

Une journée avec Brassens – Une jolie fleur – Carla Bruni & Alain Souchon

Une journée avec Brassens – Je me suis fait tout petit – Jeanne Cherhal

Une journée avec Brassens – Les amoureux des bancs publics – François Morel & Yolande Moreau

Une journée avec Brassens – La cane de Jeanne – Dionysos

Une journée avec Brassens – Supplique pour être enterré à la plage de Sète – Sanseverino

Une journée avec Brassens – Les passantes – Giovanni Mirabassi & Alain Souchon

Une journée avec Brassens – L’orage – Benjamin Biolay

Une journée avec Brassens – Dans l’eau de la claire fontaine – Elodie Frégé

Une journée avec Brassens – Le petit cheval blanc – Raphaël

Une journée avec Brassens – La non demande en mariage – Joyce Jonathan

Une journée avec Brassens – La complainte des filles de joie – Les Copines d’abord

Une journée avec Brassens – La première fille – Alain Souchon

Une journée avec Brassens – Chanson pour l’Auvergnat – Tous

Georges Brassens – La visite – 1976

Charles Trenet – L’Ame des Poètes

5 novembre 2021