2021 11 03 : Illusions perdues – film

C’était une ambition déraisonnable de vouloir porter à l’écran l’un des grands romans d’Honoré de Balzac, l’un de ses plus captivants par l’enchevêtrement des personnalités, des caractères et des situations qu’il propose et pour son ambition sociologique et politique.

Alors, ayant d’abord relu le livre pour rafraîchir ma mémoire ‑ ma première lecture datant d’un jubilé ! puis ayant vu le film de Xavier Giannoli, je pense que son intrépide ambition est pleinement aboutie.

Voilà un film qui devrait attirer des milliers de spectateurs, notamment jeunes, leur donner l’envie d’aborder livres en main la Comédie humaine et c’est déjà une vertu inestimable.

La mise en scène est impeccable, le rythme cinématographique est dynamique, sans lenteur, presque trop syncopé. Mais quelle vigueur ! La bande sonore est somptueuse (Vivaldi, Rameau, Lekeu, Schubert, Johann Strauss, Purcell, on ne se refuse rien!).

Les acteurs sont épatants : Benjamin Voisin en Lucien de Rubempré, Cécile de France en Louise, Vincent Lacoste en Etienne Lousteau, Xavier Dolan en Nathan d’Anastazio, Salomé Dewaels en Coralie, Jeanne Balibar en Marquise d’Espard, Gérard Depardieu en Dauriat, André Marcon en Baron du Châtelet……

S’il faut livrer mon sentiment subjectif, ceux qui m’ont le plus impressionné de justesse et d’humanité, ce ne sont peut-être pas les personnages principaux, mais Xavier Dolan, Salomé Dewaels et Vincent Lacoste.

L’intrigue ? Faut-il la rappeler et donc citer au passage la critique de certains puristes : le film est presque totalement consacré à la deuxième partie du roman, Un grand homme de province à Paris, expédiant en quelques minutes la première partie et ignorant totalement la troisième.

Et alors ? Le film dure déjà 2 heures 30. Sauf à survoler l’œuvre en picorant quelques scènes emblématiques et en schématisant outrancièrement atmosphère et personnages, défaut que n’évitent pas certaines adaptations cinématographiques, mieux valait traiter sérieusement la partie centrale du roman.

L’intrigue, alors, pour les non-lecteurs de Balzac ? Nous sommes à la Restauration dans les années 1820, le jeune Lucien quitte l’imprimerie familiale d’Angoulème pour tenter sa chance à Paris, mais aussi pour fuir le scandale d’avoir séduit une femme mariée, qui l’accompagne. Lucien ambitionne d’être écrivain, mais pour subsister il se résigne à devenir journaliste et bientôt, ayant la plume acérée et les mots perfides, il se prend au jeu, aux intrigues, aux manœuvres tortueuses, à l’immoralité et à la corruption de la presse vendue aux arrivistes politiques, traitant pour rien les sentiments, les renommées et les personnes, jusqu’à trébucher et se faire liquider par plus pervers que lui.

Maupassant avec Bel Ami, 60 ans après, nous dressera un tableau aussi noir…

Et deux siècles plus tard ? Certains critiques ont souligné, pour l’en féliciter ou le critiquer, que Giannoli a truffé ses dialogues d’allusions très claires, voire trop claires et pesantes, à notre époque.

Et alors ? Est-ce sa faute si depuis Balzac rien n’a changé dans la relation presse-politique, sinon un harnachement d’apparences déontologiques qui font s’esclaffer le journaliste que je fus 15 ans durant. Cette hypocrisie dissimulant de moins en moins l’appartenance des médias, donc leur soumission, à la douzaine des plus grandes fortunes française qui les ont achetés pour défendre leurs domination financière ; situation monopolistique toujours soigneusement fardée d’une diversité factice, pimentée parfois des réelles divergences tactiques entre modérés et néo-fascistes (n’est-ce pas messieurs Niel, Arnault, Bolloré ?)

3 novembre 2021