Je n’ai ni l’envie ni la compétence d’établir des classements, pas plus dans la vie courante qu’en matière d’interprétation musicale. Mais je veux ici exprimer ma conviction que Sviatoslav Richter fut l’un des plus grands pianistes que j’ai connus et entendus de leur vivant. Sur les doigts d’une seule main. Ce qui m’autorise à être aussi affirmatif c’est que je ne suis pas le seul à le dire : vingt ans après sa mort il fait quasiment l’unanimité.
Son répertoire fut l’un des plus diversifiés, à la différence d’autres interprètes qui limitaient leur préférence à quelques compositeurs privilégiés ; lui il joua Bach, Rachmaninov, Prokofiev, Ravel, Debussy, Chopin, Beethoven, Brahms, Schubert, Wagner…
Si ma mémoire est bonne, le premier vinyle que j’entendis de lui, au début des années 60, fut le concerto pour piano n° 2 de Brahms.
Ce qui me rendait admiratif (n’étant pas compétent il me vaut mieux dire : ce qui me sembla exceptionnel) c’était son respect de la partition, alliant la plus grande sobriété à une profonde finesse et une infinie délicatesse : lorsque Richter jouait on n’entendait pas du Richter mais on croyait entendre Bach, Rachmaninov, Prokofiev, Ravel, Debussy, Chopin, Beethoven, Schubert, ou Wagner eux-mêmes.
Je n’eus hélas jamais l’occasion d’aller l’écouter au Festival musical de Meslay en Touraine, qu’il créa en 1964, ni ensuite. Je ne l’ai connu que par le disque, la radio ou rarement la télévision.
J’ai le souvenir intact de deux sentiments le concernant qui ne m’ont jamais quitté :
En 1974 je fis l’acquisition d’un vinyle consacré au triple concerto piano-violon-violoncelle op.56 de Beethoven, certes pas un opus majeur du maître, mais interprété par les monstres sacrés Karajan, Oistrakh, Rostropovich et Richter ; dans le même temps je lus (ou j’entendis à la radio) un commentateur averti exposer que cet enregistrement avait été épique et que le résultat était plutôt raté du fait de l’ambiance « horrible » entre ces quatre egos démesurés : et bien, j’ai dû écouter 200 fois ce vinyle… et je persiste à le trouver formidable !
J’ai un faible pour Chopin, notamment ses Ballades et en particulier pour la n° 2 en fa majeur op.38 que l’on présente souvent, elle aussi, comme une pièce secondaire du compositeur et la n° 4 en fa mineur, opus.52 que l’on porte, elle, au pinacle. Quant à moi, mélomane ignare, je voue aux deux une affection hors norme et donc j’ai dû les écouter un nombre incalculable de fois, dans vingt ou peut-être trente interprétations ; pareillement pour la mazurka en la mineur op.17-4. Celles de Richter demeurent mes préférées.
8 septembre 2021
Beethoven – Triple concerto piano-violon-violoncelle op56
Karajan Oistrakh Rostropovich Richter – 1969
Chopin – Ballade n° 2 fa majeur op38 – Sviatoslav Richter – 1960
Chopin – Ballade n° 4 fa mineur op52 – Sviatoslav Richter – 1960
Chopin – Mazurka la mineur op17-4 – Sviatoslav Richter – 1950
Haydn – Sonate n°39 HOB XVI-24 II. Adagio-Presto – Sviatoslav Richter
Beethoven – Sonate piano n°32 op111 ut mineur II arietta adagio molto – Sviatoslav Richter
Liszt – Etude d’exécution transcendante S139 05 Feux Follets – Sviatoslav Richter – 1956
Schubert – Impromptus D899-4 – Sviatoslav Richter
Scriabin – sonate piano n°5 fa d M op53 – Sviatoslav Richter