2020 06 18 : La chanson que je déteste le plus

Frank Sinatra – My Way – 1969

My Way connut un succès planétaire en 1969, après sa création par Frank Sinatra ; elle fut interprétée des centaines de fois dans des dizaines de versions.

Ce n’est pas sa mélodie que je mets en cause, ni l‘interprète. Non, ce qui me révulse ce sont les paroles et le contenu idéologique qu’elles révèlent.

Un mec (un mec évidemment) fait son bilan au soir de sa vie (peut-être pas très vieux, simplement la quinquagénence lui fout la nostalgie de son passé). Mais quel passé, quel vécu, quelles réalisations, en quoi s’est-il montré remarquable ? Nous n’en saurons rien, il n’en dit rien. Une mélancolie qui tourne à vide. Des souvenirs qui sonnent creux. Une chaude voix de crooner pour énoncer des platitudes d’ex-jeune attardé.

Et le contenu idéologique, j’y viens : c’est la célébration narcissique de l’individu, de l’individualisme, ce frère siamois du consumérisme et donc du capitalisme. A cette époque, les Yankees massacraient des milliers de Vietnamiens et de Cambodgiens sous leurs bombardements terroristes, mais le mec (peut-être un ancien pilote de B.52) s’apitoie sur lui-même, annône entre deux whiskys sa philosophie de boîte de nuit, pleurniche, sans doute entre deux blondes, entre deux putes. Il n’a rien à nous livrer de son parcours, mais ce fut sa vie, « à nulle autre semblable » évidemment ! Tu parles !

Ecoutez plutôt Jacques Brel nous chanter, mais lui avec amusement et férocité, ce genre de mec décérébré dans Les paumés du petit matin.

Jacques Brel – Les paumés du petit matin – 1962