Edito H&T : Une insulte aux praticiens hospitaliers !

Les médias se sont largement fait l’écho du conflit judiciaire entre, d’une part les parents, une sœur et un demi-frère de Vincent Lambert, un tétraplégique en état de conscience minimale depuis cinq ans, et d’autre part sa femme, d’autres frères et sœurs et les praticiens du service de soins palliatifs du CHU de Reims ayant agi dans le cadre d’une procédure collégiale. Car les premiers s’opposent à son euthanasie passive (par arrêt de l’alimentation et de l’hydratation) décidée par les seconds.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne devait décider, aujourd’hui 15 janvier. Mais à la fin de l’audience Jean-Jacques Louis, président du tribunal a indiqué que la décision sera prise demain afin de « prendre le temps de la réflexion dans ce dossier complexe. C’est la première fois qu’un tribunal doit trouver un sens opérationnel à la loi Leonetti ».

Déjà une euthanasie passive avait été engagée au printemps 2013, mais Vincent Lambert avait dû être réalimenté à la suite de la saisie en référé du tribunal administratif par ses parents.

Je ne me permettrai pas ici de préjuger quelle sera la décision du TA : l’affaire est aux marges du dispositif Leonetti, qui montre ici ses limites.

« Vincent Lambert n’est pas malade, n’est pas mourant, il est handicapé », a souligné Me Jérôme Triomphe, avocat des parents, méconnaissant ainsi les fondements implicites de la loi, puisque dans son rapport de présentation en 2008, Jean Leonetti avait indiqué que les personnes en état pauci-végétatifs en relèveraient bien. Cet avocat envisage même, si le TA déclare régulière la procédure d’euthanasie passive, de déposer une plainte au pénal pour tentative d’assassinat.

Lorsqu’il pouvait encore un peu communiquer, début 2013, le malade multipliait des comportements d’opposition aux soins. Et Jean Leonetti vient de déclarer que sa loi pouvait s’appliquer au cas de Vincent Lambert. Mais la rapporteuse publique s’est déclarée opposée à l’euthanasie passive et a demandé la poursuite des traitements palliatifs car « certes, il est dans un état irréversible, mais sa conscience existe et il ne nous appartient pas de juger du sens de sa vie ».

« C’est la première fois depuis 1981 qu’un avocat doit plaider pour un condamné à mort », a finalement plaidé avec… nuance Me Jérôme Triomphe. Cet effet de manche suscitera l’indulgence de tous ceux qui comprennent combien est difficile et douloureuse la situation conflictuelle dans ce type de situations.

En revanche, je voulais ici signaler, pour exprimer mon indignation, les derniers propos de Me Jérôme Triomphe, après l’audience cette fois, dans le couloir du tribunal et devant une forêt de micros et de caméras. Je cite soigneusement, mot pour mot :

« Si aujourd’hui on tue Vincent Lambert, qui est handicapé tétraplégique, eh bien je crois qu’il y a beaucoup de souci à se faire pour tous ceux qui ne sont pas en état de s’exprimer, et qu’on pourra faire partir… en douce, j’allais dire. »

Il n’allait pas le dire, il l’a dit ! Eh bien, moi, je crois et je dis qu’il faut appeler un chat un chat, et une insulte une insulte. Car c’est une déclaration outrageante, non plus seulement contre les praticiens du CHU de Reims, mais contre tous les médecins hospitaliers qui en semblable situation appliqueront en leur âme et conscience la loi Leonetti.

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