Livre : La santé publique en procès – 2008

Prudent, trop prudent

Thomas Cassuto, docteur en droit, est magistrat, vice-président chargé de l’instruction au TGI de Nanterre, section économique et financière.

L’argumentaire de l’ouvrage qu’il propose est a priori intéressant. Les usagers de la santé publique ont pris l’habitude d’attraire les médecins devant les juridictions. Chaque citoyen, usager actuel ou potentiel de la santé publique, s’interroge sur les risques qu’il encourt et la protection que le droit peut apporter dans l’organisation des soins et la réparation des éventuels dommages, car l’application des règles de responsabilité laisse un doute sur la capacité du droit à offrir une réparation satisfaisante et prévenir le renouvellement des erreurs.

De l’affaire du sang contaminé à celle de l’hormone de croissance en passant par le drame de l’amiante, l’ouvrage s’interroge sur les réponses apportées aux enjeux collectifs de la santé publique. Il met en exergue le rôle du juge pour préserve le principe du respect de la dignité humaine et satisfaire aux aspirations croissantes de ceux qui veulent bénéficier des dernières avancées scientifiques. Il met également en lumière les difficultés et les atouts de la justice pour répondre, à partir du droit, aux grands enjeux de la santé publique.

Mais voilà, le problème que nous pose le livre ‑ peut-être est-ce nous qui nous trompions dans nos attentes ‑ c’est qu’il ne livre aucune prise de position personnelle. Certes le résumé qu’il présente des problématiques judiciaires dans le champ de la santé est clair, parfaitement lisible et ‑ pour autant que nos modestes connaissances juridiques puissent nous permettre de l’affirmer ‑ exhaustif et impeccable… Touch of class, le propos est prestigieusement encadré par une préface et une postface de deux éminents magistrats.

Mais… il n’y a que cela : l’auteur, habile et prudent, évite soigneusement toute expression d’une opinion. On dira qu’un ouvrage juridique ne doit pas se laisser contaminer par un subjectivisme suspect ; il n’empêche que dans les grands traités de droit, on trouve toujours la flamme d’une pensée et d’une doctrine. Ici rien de tel et c’est d’autant plus irritant que les bonnes questions sont posées, mais aucun début de réponse n’est apporté. Il n’y a rien derrière les nombreux et pertinents points d’interrogation.

Ne soyons pas injuste toutefois : l’auteur propose au détour du chapitre V un nouveau concept, la responsabilité systémique, distincte de la responsabilité pénale et de la responsabilité pour faute ou sans faute des personnes physiques ou morales ; toutefois il n’en dit pas suffisamment pour qu’on puisse différencier ce concept des trois catégories précitées ni de celle de la responsabilité sans fait évoquée par le juriste remarquable qu’est Didier Truchet.

Thomas Cassuto
avril 2008 – 240 pages – 21 €
Collection Questions judiciaires
PUF
6 avenue Reille
75014 PARIS