Livre : Humain, post humain – 2003

Très humaine technique.

L’auteur, professeur de philosophie à l’Université Denis Diderot – Paris 7 est président depuis début 2002 du Comité d’éthique de l’Institut de recherche pour le développement. Il nous a déjà livré, entre autres, Lyssenko, histoire réelle d’une « science prolétarienne » (1976) Contre la peur : De la science à l’éthique une aventure infinie (1990), L’avenir du progrès (1997). En 1999, il fut chargé par Claude Allègre d’une mission visant à insérer la philosophie des sciences dans tous les cursus scientifiques et dans les études médicales.

Dans le présent livre, il manifeste une fois encore à l’humble profane que nous sommes ce qui paraît être une vision précise, solide et large des différents champs et carrefours actuels de la recherche scientifique et technique, notamment les biotechnologies et l’ingénierie génétique…

La réflexion qu’il engage et qu’il nous suggère, se gardant bien de refermer le débat, s’articule à partir de deux notions essentielles : la nature humaine et la technique. Et de toute la complexité de leur interdépendance, de leurs liens dialectiques, de leurs interactions. La civilisation industrielle a outrancièrement privilégié la seconde au détriment de la première, quand ce n’était pas pour les opposer en prétendant que la technique dans sa marche triomphale allait suppléer aux limites et incertitudes de la nature humaine.

Dominique Lecourt, dans un rappel historique bienvenu, réhabilite le Moyen-Age en montrant que, loin d’être cette époque d’obscurantisme où tout progrès était étouffé par la scolastique universitaire et la contemplation monastique, fut marqué par une progression des techniques soigneusement entretenue, certes dans les dimensions où elles pouvaient l’être en l’état de la science.

Il balaie avec une belle conviction et une incisive persuasion les idées reçues, d’hier ou d’aujourd’hui, ringardes ou post-modernes, qui tantôt feraient de la course technologique la seule aventure du siècle, tantôt la présente comme un danger venant menacer l’essence même de l’homme. Alors qu’en réalité technique et réalité humaine sont indissociablement imbriquées. L’humanité n’apparaît comme telle, presque en tous lieux et de tous temps, qu’accompagnée, marquée, illustrée d’objets techniques. Ces objets témoignent non seulement des capacités des hommes, mais de la diversité de leur être et de leurs désirs.

La crise actuelle du rationalisme ? Elle réside peut être moins dans l’antagonisme entre nature humaine et technique que dans l’affaiblissement simultané de ces deux concepts. Dont il conviendrait de renouveler le contenu pour que l’une retrouve sa maîtrise sur l’autre. En ce sens, l’auteur souligne – et nous ne saurons jamais suffisamment l’approuver‑ la modernité… de Denis Diderot.

par Dominique LECOURT
Editions PUF
6, avenue Reille – 75685 PARIS CEDEX 14X mars 2003, 160 pages, 12 €