Le plan Hôpital 2007 est arrivé à point nommé, peut-être même un peu tardivement, pour relancer l’investissement hospitalier et notamment la rénovation des patrimoines immobiliers. Véritable opportunité pour ceux qui avaient un dossier sous le coude, coup d’accélérateur pour ceux qui n’en avaient pas. Maintenant que ce plan commence à prendre tournure, qu’en est-il ?
Nous pourrions livrer ici, exemples précis à l’appui, le constat qui se dégage en de nombreux endroits : l’énorme disproportion entre les 6 milliards annoncés sur cinq ans [1] et les besoins déjà recensés et chiffrés. Par exemple dans une région, et pas l’une des plus importantes, le devis non encore exhaustif représente la totalité d’une tranche annuelle du plan national ! Et attendons de voir par quel exploit de procréation comptablement assistée les milliards feront des petits en investissement sans donner naissance du même coup à une ribambelle de surcoûts d’exploitation au-delà des frais financiers programmés !
Mais le plus important n’est sans doute pas là. L’essentiel, pour ce qui relève directement de notre responsabilité en tout cas, est de ne pas re-construire à l’identique ! De ne pas réitérer tel quel le dernier cycle de grands travaux hospitaliers des années 70-85. De ne pas reproduire les erreurs qui ont émaillé cette période et dont nous payons aujourd’hui les conséquences.
Lisant cette mise en garde banale, tout le monde pensera d’abord à l’esthétique ou à la qualité médiocres qui trop souvent s’imposèrent, prix plafonds obligent. Pourtant, ces bévues ont suffisamment frappé les esprits pour qu’on puisse raisonnablement ne pas redouter qu’elles soient encore commises. Désormais, les programmes sont rédigés avec soin, les détails de conception passés au crible de groupes de travail pluridisciplinaires. Les architectes ont fait d’énormes progrès ces dix dernières années tant dans l’esthétique que dans l’emploi de matériaux nobles.
L’équation qu’il importe de résoudre est ailleurs. Il est frappant de constater que, presque toujours, les bâtiments à peine trentenaires n’en peuvent plus d’obsolescence, sont devenus structurellement inaptes à accueillir les fonctionnalités hospitalières d’aujourd’hui. Au point qu’en de nombreux endroits, une solution finit par l’emporter : reconstruire entièrement et les raser. Pourtant, qui ne se souvient que la modularité, l’évolutivité, l’adaptabilité étaient déjà, dans ces temps-là, le souci de tous les PTD, le critère départageant tous les concours ? La conclusion qu’on brûle d’en tirer est radicale : puisque ce n’est pas de sitôt que nous saurons prévoir à plus de 20-30 ans l’évolution des techniques médicales et des contraintes qu’elles induisent, inscrivons-nous dans une logique industrielle de bâtiment périssable. Construisons pour 30 ans, pas plus : après on jettera et on fera du neuf.
Sauf qu’un deuxième constat s’impose tout aussi fortement. Combien étaient-ils plus confortables, solides, chaleureux et ont-ils mieux vieilli, les immeubles d’avant les constructions des années 70 ! Du coup on balance, on est tenté quand même de faire du beau, du solide, du traditionnel, donc du cher et du peu évolutif…
Quadrature du cercle ? Peut-être pas. La solution, ne serait-ce pas de mener chacune de ces logiques, l’industrielle et l’hôtelière, jusqu’à son terme, pour lui faire exprimer tout son potentiel, plutôt que de se résigner à des compromis qui, en architecture plus encore qu’ailleurs, sont presque toujours décevants ? Comment donc ? En accentuant la différenciation de ces deux fonctions dans des locaux de conception radicalement autonome l’une par rapport à l’autre. Voire en les logeant dans des bâtiments séparés ! L’un totalement dédié aux actes de soins, d’explorations, de rééducation, plateau technique élargi, entièrement conçu autour de ses contraintes propres, articulé en structure légère, sobre et froidement fonctionnel. L’autre uniquement voué à l’hôtellerie, au confort et au réconfort, à l’hébergement du patient et à l’accueil de ses proches, familier et solidement chaleureux.
Certains d’entre nous explorent cette voie. Ils nous font l’amitié d’exposer leurs projets à partir du présent numéro. Soyons attentifs à leurs avancées.
[1] le lecteur attentif des circulaires ministérielles sait d’ailleurs qu’il ne s’agit pas à proprement parler de 6 Mds d’aides directes mais de 2 Mds de subventions et de 0,4 Md de coups de pouce d’exploitation qui permettront de financer 10 fois plus d’emprunts : soit 4 Mds. Donc 2 + 4 = 6 Mds € annoncés.