2014 01 23 : Claudio Abbado, plus qu’un chef… un maître

Le chef d’orchestre Claudio Abbado vient de mourir à Bologne. Sa mort ne fut pas une surprise puisqu’il souffrait d’un grave cancer depuis 2000.

ITALY-CULTURE-MUSIC-OPERA-ABBADOOn sait qu’en 1963 Leonard Bernstein en fait l’un de ses assistants à l’Orchestre philharmonique de New York ; qu’il est à partir de 1968 chef puis directeur de la Scala de Milan. Il modifie alors complètement la politique culturelle de cette vénérable institution : il diminue le prix des places ; pendant la fermeture pour congés annuels, il y présente gratuitement des opéras filmés aux ouvriers, étudiants, écoliers. Il fait sortir l’orchestre de la Scala pour donner des concerts dans les usines, les universités, les lycées. Toujours dans le but de démocratiser l’accès à la musique, il prend nombre d’initiatives avec Maurizio Pollini, puis avec Rudolf Serkin ; il crée ainsi l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne, l’Orchestre de jeunes Gustav Mahler, et dirige l’Orchestre national des jeunes Simón Bolívar du Venezuela.

scala de milanDe 1979 à 1989 il est chef puis directeur du London Symphony ; de 1986 à 1991 il est directeur de l’Opéra de Vienne et chef de l’orchestre symphonique ; en 1989, à la mort d’Herbert von Karajan, il est nommé chef de l’Orchestre philarmonique de Berlin jusqu’en 2002. Par la suite, malade, il ne donnera plus que de rares concerts avec l’Orchestre Mozart de Bologne ou celui du Festival de Lucerne.

Claudio-AbbadoOutre son talent musical, sa personnalité d’exception il la doit sans doute en grande partie à son lignage : son grand-père maternel enseignait les langues anciennes à Palerme et fut excommunié pour avoir traduit une version araméenne de la Bible qui parlait des frères et sœurs du Christ. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses parents, antifascistes, résistent à Mussolini ; sa mère est torturée et emprisonnée pour avoir aidé une famille juive à échapper à la déportation. Après-guerre, comme beaucoup d’intellectuels et artistes, il se rapproche du parti communiste pour s’en séparer en 1968 après l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie. Auparavant, il aura choqué nombre de mélomanes conformistes en prenant position contre l’intervention américaine au Viêt Nam. Resté proche de la gauche italienne, il avait été nommé en août 2003 sénateur à vie par le Président de la République.

Parmi les brassées d’éloges qui accompagnent sa disparition, je retiens surtout la profonde méditation de Daniel Barenboïm, qui déplorant « l’un des grands musiciens de ces cinquante dernières années et l’un des rares à avoir une relation étroite avec l’esprit de la musique » estime que la relation entre la vie et la mort est la même que celle qui existe entre le silence et la musique : « Quand on vit pour la musique, on s’habitue à vivre avec une finalité. Elle est transitoire. Chaque son tombe dans le silence et meurt. Les musiciens sont donc en contact avec la mort, ils en font l’expérience et s’y habituent. En ce qui me concerne, cela ne me rassure pas pour autant. »

Abbado
En italien le chef d’orchestre se nomme maestro. Alors, oui, Claudio Abbado fut un maestro, un maître, pour les interprétations inoubliables qu’il nous donna et la leçon de vie qu’il nous laisse.

23 janvier 2014