2017 05 04 : Going to Brazil – film

Je ne voulais pas aller voir ce film : j’avais lu ici et là, non les critiques (je ne me fie pas trop à la critique cinématographique, sauf celle du Canard enchaîné), mais son synopsis, qui ne m’attirait pas.

Trois jeunes Françaises, Chloé, Agathe et Lily, 17 ans, ont une vie un peu terne. Mais elles sont invitées au mariage d’une amie d’enfance, Katia, (qu’elles n’ont pas vue depuis un bail) qui va épouser un riche Brésilien. Elles partent donc pour Rio de Janeiro, mais voilà-t-il pas qu’au cours d’une fiesta précédant le mariage, l’une d’elles fait tomber par la fenêtre le futur marié qui défuncte. Or son père est un mafieux et lance des tueurs à leurs trousses pour se venger et les éliminer.

Voilà. Evidemment, dit comme ça, vous eussiez eu la même réaction que moi : plutôt aller voir l’intégrale de Robert Bresson à la Cinémathèque française (13 films joyeusement jansénistes) ou à défaut celle de Krzysztof Kieślowski (19 films, joyeusement plus chiants).

J’étais donc prêt à franchir le Rubicon (plus exactement la Seine, par la passerelle Simone-de-Beauvoir) ; un peu bougon et au risque d’y aller seul, rue de Bercy, car à la haire avec la discipline nulle n’est tenue. Lorsque, chance ! je tombai, comme en arrêt car flairant la bonne trace, sur la critique de Télérama, friandise que je vous livre in extenso :

« A travers cette comédie d’aventures entre filles, Patrick Mille voulait parvenir, dit-il, à un mix entre la fantaisie de Philippe de Broca et la démesure de Quentin Tarantino. L’accumulation de clichés sur la société brésilienne et la vulgarité de son film évoquent davantage une version modernisée des nanars de Philippe Clair dans les années 1970 et 1980. Indigeste. »

Waouh ! Lors, plus aucune hésitation et c’est plein d’allant que je me laissai conduire vers la salle obscure, voir ce nanar selon Télérama, donc un nectar peut-être bien.

Les quatre comédiennes : Alison Wheeler, Margot Bancilhon, Philippine Stindel et Vanessa Guide, ne font pas du Bresson, non, elles ne sont pas là pour ça ; oubliez Florence Delay, oubliez Anne Wiazemsky, oubliez Dominique Sanda, oubliez Nadine Nortier ; quant à Krystyna Janda je l’ai déjà oubliée. Mais ces quatre luronnes rivalisent de charme et de tonus.

Alors, oui, bien sûr, cette comédie pourrait ne pas vous plaire : acide, vulgaire, gags un peu lourds, souvent excessifs, dialogues épais, scènes grossières (trash comme il faut maintenant dire), intrigue débile ou vaseuse, ainsi déblatérèrent nombre d’autres feuilles que la susnommée et suscitée.

Mais je me souviens qu’enfant, sommé d’aller à la messe du dimanche, pour être le premier à pouvoir en sortir je me plaçais au fond vers le porche, contre le panneau d’affichage, et je parcourais la critique des films donnés en salle cette semaine-là.

Je pouvais y lire, non seulement des indignations vertueuses contre quelques films olé olé (ce qui donnait furieusement envie d’aller les voir) mais aussi de lapidaires « A éviter » contre nombre de films qui parvinrent plus tard, non en enfer où l’évêché voulait les précipiter mais au firmament de notre cinéma : Les tontons flingueurs, Les Cousins, Le beau Serge, La loi, L’Eau à la bouche, Les Quatre Cents Coups, Le Monocle… j’en passe et des plus pires.

Or pour déconseiller ces films, le directeur de conscience cléricalement vigilant utilisait pour ainsi dire les mêmes qualificatifs que ceux cités plus haut.

Alors je gage qu’un jour, on ne reconnaîtra peut-être pas Going to Brazil comme un chef d’œuvre, mais on lui accordera quelque mérite. Car il est drôle, insolent, assez bien filmé, parfois surprenant, d’une fraîcheur et d’une crudité plus réalistes que bien des peintures fallacieusement « vraies » de la jeunesse.

4 mai 2017