Un très bel essai, mais biaisé
Vouloir légaliser l’euthanasie reviendrait à transférer à la collectivité la décision de sa propre mort : telle est la thèse soutenue par ce livre. L’exposé est dense, serré, argumenté ; le propos intelligible bien qu’il convoque des concepts philosophiques abstraits. La démonstration est captivante et rigoureuse.
L’auteur s’appuie longuement (86 des 210 pages du livre) sur un bref écrit d’Emmanuel Kant de 1797 Sur un prétendu droit de mentir par humanité, qui en outre lui inspire le titre du sien : on s’y arrêtera donc un instant.
Dans ce texte (Pléiade, Kant, œuvres philosophiques III, p. 435-441, traduction de… Luc Ferry, décidément le monde est petit !), Kant réplique à un article du roublard Benjamin Constant, qui prétendait ruiner sa thèse affirmant que le devoir de véracité est un devoir absolu. Il le réfute et sort du paradoxe en affirmant la transcendance de l’impératif ‑ catégorique ou apodictique, donc intangible ‑ de dire la vérité sur l’exigence morale et politique de ne pas nuire, qui ne sont pas sur le même plan. On voit le parallèle : nul besoin d’altérer la loi pour autoriser l’euthanasie : les transgressions nécessaires peuvent s’accomplir en invoquant le devoir d’humanité…
Thèse brillante, sauf que ceux qui agissent en véracité avec eux-mêmes ont parfois besoin d’être protégés ‑ et par la loi ‑ tant des dérives que des recours…
Bernard-Marie Dupont est médecin, généticien et spécialiste de soins palliatifs. Il préside l’Institut européen d’éthique de la santé à Bruxelles. Il a fondé Medethic, entreprise de conseil, d’audit et d’expertise bioéthique. En parallèle à son activité de soignant, il est professeur de philosophie.
Bernard-Marie Dupont
février 2011 – 228 pages – 22 €
Collection Société
François Bourin Editeur
10 rue d’Uzès
75002 PARIS
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