Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,
Au fond d’un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n’auras pour alcôve [1] et manoir
Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse ;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir [2],
Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon rêve infini
(Car le tombeau [3] toujours comprendra le poëte),
Durant ces longues nuits d’où le somme est banni,
Te dira : « Que vous sert, courtisane [4] imparfaite,
De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? »
— Et le ver rongera ta peau comme un remords.
Léo Ferré 1967
Lecteur audioGeorges Chelon 1997