Le Démon, dans ma chambre haute,
Ce matin est venu me voir,
Et, tâchant à me prendre en faute,
Me dit : « Je voudrais bien savoir,
Parmi toutes les belles choses
Dont est fait son enchantement,
Parmi les objets noirs ou roses
Qui composent son corps charmant [1],
Quel est le plus doux. » — Ô mon âme !
Tu répondis à l’Abhorré [2] :
« Puisqu’en Elle tout est dictame [3],
Rien ne peut être préféré.
Lorsque tout me ravit, j’ignore
Si quelque chose me séduit.
Elle éblouit comme l’Aurore
Et console comme la Nuit ;
Et l’harmonie est trop exquise,
Qui gouverne tout son beau corps,
Pour que l’impuissante analyse [4]
En note les nombreux [5] accords.
Ô métamorphose mystique [6]
De tous mes sens fondus en un !
Son haleine fait la musique,
Comme sa voix fait le parfum ! »
Georges Chelon 1997
On ne peut ici s’empêcher de faire un rapprochement avec la chanson Rien à jeter qu’écrivit Georges Brassens un siècle plus tard (1969). Pour noter aussi comment l’un et l’autre, à partir du même enchantement, livrent une méditation différente…
Georges Brassens – Rien à jeter – 1969