Spleen et idéal : LXV – TRISTESSES DE LA LUNE

Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d’une main distraite et légère caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons [1],
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons [2].

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur [3] oisive [4],
Elle laisse filer une larme furtive [5],
Un poëte pieux [6], ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale [7],
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.

Georges Chelon 1997

[1] Ici, au sens de : évanouissements.
[2] Epanouissement de fleurs.
[3] Figuré : affaiblissement moral et/ou physique causé par les fatigues de l’esprit, les peines de l’âme, ou la passion de l’amour.
[4] Paresseuse.
[5] Fugitive ou discrète.
[6] Ici au sens de : dévoué.
[7] Pierre semi-précieuse d’un blanc laiteux et bleuâtre, irisée, ayant des reflets changeants.