2021 02 02 : Marc Ogeret, l’insoumis

Insoumis, je le fus, avec toute l’inconséquence et l’inefficacité politique et sociale que je dois reconnaître à cette posture, au long de mes années de jeunesse, voire même au-delà.

Mais en tout cas, si j’adhérais à certaines énormes illusions quant à des personnages iconiques alors considérés comme radicalement insoumis ou résolument révolutionnaires, je ne les partageais pas toutes, y compris dans l’ordre de la culture.

Ainsi, la plupart sinon la totalité de mes amis et camarades adulaient le chanteur Marc Ogeret, dont une majeure partie du répertoire était un panégyrique d’insoumissions diverses et variées.

Jugez-en : 1967 Aragon ; 1968 Autour de la Commune ; 1968 Chansons « contre » ; 1970 Le condamné à mort de Jean Genet ; 1973 Chansons de révolte et d’espoir ; 1978 Aristide Bruant ; 1987 Paul Vaillant Couturier… Evidemment nous ne pouvions qu’applaudir à cette inspiration protestataire tandis que la plupart des chanteurs et chanteuses se complaisaient dans un registre sentimental et commercial.

Pourtant, pourtant, si je l’estimais je gardais envers Marc Ogeret une réserve dont je ne me suis ensuite jamais départi. Non pas en raison de ses opinions, mais au contraire à cause de son manque de résolution et d’engagement. Brassens n’était pas dans cette confusion : ses chansons n’étaient pas politiques car il refusait clairement toute appartenance ou militantisme. Brel livrait peu d’opinions dans ses textes mais il s’engagea pour Pierre Mendès-France en 1967. Ferré était Ferré, on savait tous que ses proclamations anarchistes n’étaient que poésie.

Celles des chansons de Marc Ogeret qui n’étaient pas des reprises de textes de Seghers, Ferré ou Aragon étaient soit des chants révolutionnaires datés, ce qui est honorable mais n’oriente pas la jeunesse vers une action d’avenir, soit des complaintes sur des évènements historiques héroïques mais malheureusement soldées par des défaites du mouvement populaire. Ce n’est pas Ogeret mais Jean Ferrat, Bob Dylan et Joan Baez qui dénoncèrent en chanson les vilenies de leur époque.

Le répertoire politique de Marc Ogeret générait une ambiance incitant plus à la nostalgie de bistrot ou de soirées enfumées qu’à l’action de terrain. Sans parler de ses reprises de certaines chansons de diversion, je veux dire de chansons composées en début de XXe siècle par des personnages ayant l’apparence de la révolte mais factices (Aristide Bruant, qui finit candidat à l’Académie française et châtelain à Courtenay) ou déviant la colère populaire vers l’anticléricalisme (Léo Taxil) ou le nationalisme antiallemand (Gaston Villemer, Oscar Petit).

Voilà peut-être aussi pourquoi la jeunesse actuelle, plus combative et engagée qu’on ne le croit ou qu’on ne le dit, a oublié Marc Ogeret alors qu’elle adore certains autres chanteurs de sa génération.

2 février 2021

Marc Ogeret – Le Temps des cerises – 1868 Jean-Baptiste Clément Antoine Renard

Marc Ogeret – La Ligue anti-prussienne – 1873 E. Baulen Oscar Petit Oscar Petit

Marc Ogeret – La Fiancée alsacienne – 1874 Gaston Villemer Félicien Vargues

Marc Ogeret – La Marseillaise anti-cléricale – 1881 Léo Taxil Rouget de l’Isle

Marc Ogeret – Le Violon brisé – 1885 René de Saint-Prest Louise Christian Victor Herpin

Marc Ogeret – Rue Saint Vincent – 1901 Aristide-Bruant

Marc Ogeret – Faut plus de gouvernement – 1901 Aristide Bruant

Marc Ogeret – Gloire au 17e – 1907 Gaston Montéhus Raoul Chantegrelet

Marc Ogeret – A Batignolles – 1911 Aristide Bruant