2020 09 10 : Viktor Lazlo, un talent à facettes

La plupart d’entre vous, lorsqu’on évoque Viktor Lazlo, pensent à la chanteuse qui a livré une douzaine d’albums depuis 1985. Certaines de ses chansons ont connu le succès, par exemple Canoë rose en 1985, Breathless et Pleurer des rivières en 1987 ou Amour Puissance Six en 1988.

On l’aura aperçue, dans des rôles secondaires, dans une dizaine de films entre 1990 et 2006.

Les mordus de séries télé se souviennent l’avoir vue dans divers téléfilms, ou encore aux côtés de Roger Hanin dans une douzaine d’épisodes de Navarro entre 2006 et 2009.

Seuls les amateurs de théâtre, moins nombreux hélas que les addicts de TF1, l’auront appréciée dans trois spectacles d’Éric-Emmanuel Schmitt entre 2000 et 2012 : Hôtel des deux mondes, Rue Saint-Denis et Billie Holiday de Viktor Lazlo ; et son dernier : 3 Femmes (hommage à Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Billie Holiday) en 2015.

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Mais nous sommes moins nombreux à connaître et à avoir lu ses cinq romans :

La femme qui pleure, en 2010, est une œuvre sombre décrivant la déchéance d’une femme fragile, jamais consolée d’avoir quitté la Martinique de son enfance, qui devient le jouet d’une sorte de pervers narcissique répugnant et finit à l’hôpital psychiatrique pour s’être fait violence quasiment à elle-même.

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My name is Billie Holiday, en 2012, à partir d’une évocation très libre de quelques épisodes de la vie de la chanteuse, déroule une méditation sur la solitude de la star, ses addictions, ses fausses amitiés, ses admirateurs falots. Et la tristesse de son amant d’un soir, fidèle amoureux pour toujours mais de loin, qui ne peut rien pour elle, sinon de temps à autre l’apercevoir glissant vers son destin, tandis que sa propre fille, à la génération suivante, subit une fatalité symétrique.

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Les Tremblements essentiels, en 2015, verse moins dans le pessimiste. Alma Sol, chanteuse à succès originaire des Caraïbes, vit dans les subterfuges, d’apparences en apparences, de chiqués en clichés, d’amours factices en amours narcissiques. Sexuellement débridée mais immature et vulnérable elle semble, comme les protagonistes des deux romans précédents, se précipiter inexorablement vers un destin funeste.

Mais cela finira bien, grâce à l’amour authentique d’un type simple, pas riche, pas médiatique, pas très beau… mais fidèle depuis l’enfance. Et c’est raconté si subtilement qu’on y croit sans jamais tomber dans le roman à l’eau de rose. Comme je suis irrémédiablement optimiste, c’est ce roman-là que j’ai préféré.

Les Passagers du siècle en 2018, suivi de Trafiquants de colères en 2020, nous racontent les destins de cinq générations éprouvées dans les tourments de leur siècle.

A commencer par Yamissi, volée à sa famille en Centrafrique vers 1860, vendue comme esclave, achetée à Cuba par Ephraïm Sodorowski, un marchand juif polonais avec qui elle fait sa vie. Mais voici venir la déchéance et la misère, puis la Shoah et la rencontre à Dantzig, quarante ans plus tard, de leur fille Josefa avec un anarchiste juif.

A la génération suivante, l’arrière-petit-fils de Yamissi rencontre à Paris une femme de caractère qui l’emmène aux USA où l’émergence du Black Power suscite l’espoir. Mais tout ne sera évidemment aussi simple, on le sait avec le recul des 50 années suivantes.

Le thème obsessionnel commun à ces cinq romans de la très sensible Viktor Lazlo ? L’enchevêtrement tragique (mais est-il perpétuel ? moi je ne crois pas) de la violence jamais assouvie des hommes et de la volonté farouche des femmes.

10 septembre 2020

Viktor Lazlo – Aint’gonna come – 1985

Viktor Lazlo – Backdoor man – 1985

Viktor Lazlo – Baisers – 1989

Viktor Lazlo – Liaison dangereuse – 1991

Viktor Lazlo – Parlez-moi d’amour – 2002