2019 03 12 : Ivan Illich, le retour ?

On le disait dépassé, daté, Ivan Illich

Ah oui ?

Relisez ses livres, moi je les ai tous lus dans les années 1970-1980.

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► Une société sans école est celui qui m’avait le moins convaincu et j’ai failli de ce fait m’en tenir là de ma lecture d’Illich. Je partageais pourtant nombre de ses constats :

Bien entendu les capacités naturelles d’apprentissage de l’enfant sont sous-estimées voire bridées.

Bien sûr le système universitaire dans beaucoup de pays est trop onéreux pour les jeunes des classes modestes.

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Evidemment que les pays ex-coloniaux se livrent à un pillage indécent des cerveaux des pays pauvres et donc leur volent leur matière grise tout autant que leurs matières premières.

J’ai vu cela à l’œuvre dans mon métier où beaucoup d’internes ou faisant fonction d’internes originaires d’Afrique restaient ensuite chez nous, doctorat obtenu,  pour servir de larbins (PADHUE dit-on désormais) à des médecins blancs qui ne voulaient se coltiner ni gardes, ni nuits, ni traitement des cas ordinaires.

Mais sa proposition de créer des « réseaux de communication culturelle, avec des centres de documentation, et une possibilité d’enseignement mutuel, entre pairs, à égalité » me semblait non seulement utopique mais foireuse.

► Libérer l’avenir et La Convivialité furent ses ouvrages phares qui ont provoqué l’émergence dans un large public d’une analyse critique de la société industrielle, des concepts de croissance, de la dépossession de l’autonomie de chaque être qui devient un individu sans prise sur son destin, tandis que les relations interpersonnelles s’étiolent.

Illich fut l’un des premiers à ma connaissance à articuler clairement que « davantage de croissance conduit obligatoirement au désastre ».

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► Le Travail fantôme montrait combien est fausse la notion de PIB puisque des millions de citoyens, notamment les femmes, accomplissent un travail qui n’est ni mesuré, ni rémunéré, ni valorisé, ni pris en compte dans les politiques économiques.

► Némésis médicale livrait une analyse implacable des méfaits iatrogènes de la médecine productiviste, aux antipodes d’une médecine de prévention, de l’éducation sanitaire et de la santé publique.

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On est aujourd’hui presque au bout de cette logique, puisque dans l’un des pays les plus riches du monde on démantèle le système hospitalier de proximité, on a supprimé l’autonomie réelle des hôpitaux, on écarte des décisions médecins et soignants, on caporalise la médecine de ville par le biais des « protocoles », « recommandations » et « profils de soins ».

Alors, je crois, j’espère, qu’avant qu’il ne soit trop tard Illich redeviendra actuel…

12 mars 2019