Scénario banal, d’autant plus banal qu’il s’agit d’une histoire sans doute vraie, un échantillon d’évènements qui par millions se produisent au pays de Confucius.
Car c’est dans un village du Shandong que Mme Lin, paysanne très âgée (Yu Fengyuan) chute et devient dépendante. Ses enfants (Li Fengyun, Chen Shilan, Pan Yun…) sans atermoyer l’inscrivent contre son gré en liste d’attente d’un hospice.
Mais l’attente est longue car les vieux déjà hébergés doivent être lents à mourir ; alors la vieille tourne périodiquement chez ses enfants, aucun ne voulant la prendre définitivement.
Sa santé se dégrade et plus grave encore les relations familiales se détériorent et c’est alors que progressivement le rire de Madame Lin s’installe : son refuge, sa douleur, son regret irrémédiable de ce qui fut et n’est plus, comme de ce qui maintenant lui est advenu. Le titre original, Last Laugh (dernier rire) est d’ailleurs plus explicite et sombre.
Sortant du ciné et pianotant sur ma tablette pour lire ce que la critique en avait dit (je le fais toujours après, jamais avant) je tombai sur ceci :
« Le cinéaste propose un film important pour son pays et il est fort probable qu’il finisse par développer des réflexions encore plus universelles. » Donc si je comprends bien l’implicite : le délaissement des vieillards est un drame chinois, pas universel ni occidental, en tout cas pas français.
D’ailleurs la Chine, n’est-ce-pas, c’est loin. Sa culture, ses habitus, sa civilisation, sa sociologie, son idéologie, sont aux antipodes des nôtres. Vous croyez vraiment ? Sauf que, pour le meilleur j’espère et pour le pire sûrement, la mondialisation brasse tout cela dans la soupe tiédasse voire un peu dégueulasse [1] de la marchandisation généralisée.
Pour la relation aux vieux en tout cas, ayez la curiosité de visiter un peu nos hospices à nous, ou alors ayez la chance d’avoir un parent qui y est placé, ou encore ayez la folie d’y exercer pendant 35 ans comme moi et vous m’en direz des nouvelles. La Chine, si loin, si proche…
Le film de Zhang Tao est d’autant plus remarquable qu’on nous dit qu’il s’agit de son premier long-métrage. Alors je souhaite en voir beaucoup d’autres, sur des sujets aussi exotiques et invraisemblables que celui-là !
3 janvier 2018
[1] PS du 13 janvier 2018 : j’avais initialement écrit « écœurante », mais Jean-Marie Gustave Le Clézio vient de qualifier de « dégueulasse » la politique de la France envers les migrants fugitifs et il a bien raison. L’adoubement d’un mot par un Prix Nobel de littérature vaut bien toutes les habilitations académiciennes, non ?