Il m’arrive quelquefois de refermer un livre, de sortir d’un concert ou quitter une salle de cinéma perplexe ; tellement perplexe que la fin de soirée, puis la nuit, des jours entiers plus tard même ne suffisent pas à gommer les points d’interrogation.
C’est ce qui vient de m’arriver : pourquoi bon sang ai-je aimé ce film ?
Le Ruisseau, le Pré vert et le Doux Visage a été réalisé un peu gauchement, je trouve, par l’Egyptien Yousry Nasrallah.
Le scénario ? Il est, me semble-t-il un peu convenu : Yehia (Alaa Zenhom) est un cuisinier traiteur. Il organise des banquets de fête avec ses fils Raafat (Bassem Samra) et Galal (Ahmed Dawood). Raafat n’a d’yeux que pour la belle Shadia (Laila Eloui), alors qu’il est officiellement fiancé à Karima (Mena Shalaby), laquelle ne l’aime pas mais fait secrètement vibrer le petit frère Galal qui collectionne les aventures… Un peu de drame sous la fête. Et même une mort en prime.
Le jeu des acteurs ? Il parut à mon esprit modérément rationaliste, souvent excessif pour ne pas dire fatiguant.
L’image et le décorum ? Ils firent cligner un peu mon œil septentrional : trop colorés, trop capiteux pour ne pas dire bariolés.
La musique ? Lancinante voire entêtante à mon oreille occidentale bien tempérée.
Alors, alors et malgré tout j’ai aimé ce film.
Parce qu’il apporte une vision inattendue de l’Égypte contemporaine en incroyable ébullition sous des institutions rigides. Mais des institutions, l’Egyptien du peuple se fiche et sans doute depuis longtemps.
Parce qu’en contournant des codes culturels stricts, il donne à voir des jeux de séduction, de la sensualité voluptueuse, de la gourmandise. Bref, l’universel surgit de la couleur locale, la destinée humaine sourd de l’anecdotique, la liberté sans frontière esquive les coutumes pesantes.
Magie du cinéma qui bouscule nos habitudes visuelles et mentales et nous oblige à les reconsidérer un peu.
4 janvier 2017
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