2015 09 02 : Cossery, le dernier scribe de Buci

Quel personnage qu’Albert Cossery !

Egyptien de naissance (1913-2008) et écrivain de langue française, il n’était pas « engagé » au sens entendu dans ces années 1930-1980. Mais jeune, en 1938, il s’éleva ouvertement contre la politique culturelle nazie, alors qu’elle exerçait une réelle fascination sur une partie de la jeunesse égyptienne, mue par un sentiment nationaliste antibritannique car les Anglais tenaient à leur main le régime du roi Farouk.

Dès 1941 il publia un premier recueil de nouvelles, Les Hommes oubliés de Dieu, puis vint s’installer à Paris en 1945.

Il n’aimait pas les biens matériels, ni la richesse, ni les tracas domestiques. Il vécut donc à l’hôtel jusqu’à sa mort en 2008.

Plus de 60 ans dans le même hôtel… mais quel hôtel !

La Louisiane, à l’angle des rues de Seine et de Buci, qui vit passer, tenez-vous bien ! Dali, Buffet, Sartre, Beauvoir, Camus, Vian, Giacometti, Gréco, Hemingway, Saint-Exupéry, Miller, Albertine Sarrazin, Barbet Schroeder, Mimsy Farmer, Tarantino, Carax, Binoche, Malle, Tanner, Jacquot, Kinski, Campion, Schoendorffer, Py, Oberlé.

Et aussi Miles Davis, Peterson, Powell, Gillespie, Holiday, Young, Parker, Shepp, Coltrane, Baker, Gordon, Ben Sidran, Yoko Ono, Morrisson, Krieger,  Gene Vincent, Zappa, Syd Barrett… faut dire que la cave était dédiée au jazz sous l’appellation de Petit Zinc (qui a déménagé et s’est banalisé depuis, et n’est même plus l’ombre de l’ombre de son ombre…).

Et j’en passe, sinon je remplirais trois pages.

C’est donc là, ou au Flore, au Chai de l’Abbaye, chez Lipp, ou autres bistrots avant qu’ils ne deviennent eux aussi décors à touristes, qu’on pouvait voir Cossery rédiger parcimonieusement, parce que soigneusement, l’un de ses sept récits : La Maison de la mort certaine, Les Fainéants dans la vallée fertile, Mendiants et Orgueilleux, La Violence et la Dérision, Un complot de saltimbanques, Une ambition dans le désert, Les Couleurs de l’infamie et aussi quelques poésies.

Le sujet, le personnage de ses récits était toujours le même : le peuple des rues de son Egypte natale.

J’eus très tôt la passion de cet auteur, alors dès mon arrivée en région parisienne fin 1989, je fréquentai souvent les terrasses de son quartier et j’eus de nombreuses fois le plaisir de voir Cossery le Magnifique déambuler dans la rue ou même s’installer dans le bar où j’étais.

Le Magnifique, car il était toujours vêtu avec une élégance recherchée et à 80 ans passés il dégageait encore un charme indéniable.

Mais ce qui nous reste de lui aujourd’hui c’est bien entendu l’essentiel, le reste n’est plus qu’anecdote. Il faut donc lire ses œuvres qui ont d’ailleurs été rééditées et réunies en deux volumes chez Joëlle Losfeld.

2 septembre 2015