Livre : Médecine et philosophie – 2010

Oui, une réflexion philosophique médicale est possible !

L’engagement médical implique toute une philosophie. Une métaphysique, parce que la médecine trouve sa raison d’être dans le constat de la réalité des maux qui affligent les vivants. Une épistémologie, parce qu’une connaissance du normal et du pathologique est la nécessaire condition d’une lutte intelligente contre ces maux. Des dilemmes moraux, parce que cette lutte associe la recherche du bien des malades individuels, le respect de leur autonomie, et la prise en compte de l’intérêt collectif.

C’est cette philosophie de l’acte médical que les essais ici réunis entreprennent d’expliciter, en abordant notamment les défis méthodologiques et éthiques de cet art, tout armé de technologies et au carrefour de multiples sciences, qu’est la médecine.

L’auteure, philosophe et médecin, expose avec rigueur et clarté les stratégies utilisées par la recherche médicale pour détecter, identifier et classer les éléments pathogènes (étiologie des affections, logique de l’inférence diagnostique, recherche épidémiologique), les procédures employées pour évaluer les coûts et bénéfices des interventions thérapeutiques (notion de qualité de vie), et les problèmes moraux soulevés par la mise à disposition de services de santé (procréation médicalement assistée, suivi de la grossesse).

De cette lecture, ces lectures plutôt devrait-on dire, car il s’agit du recueil d’une dizaine d’articles déjà publiés, on sort convaincu que la sagesse médicale tient à un fragile équilibre entre dévouement à ceux qui souffrent, rationalité incluant l’acceptation du risque, et lucidité sur les limites de nos connaissances.

Et nous ne trouvons rien de mieux pour résumer le livre ‑ ou en tout cas l’idée centrale que nous retirons de sa lecture – que sa dernière phrase, qui va à rebours des postures de sentimentalisme et d’émotion faciles que certains médias adoptent dès qu’ils traitent de questions de santé : « …il appartient à la communauté humaine (si cette expression a un sens) de se donner une culture universelle de la courtoisie au regard de laquelle la compassion ne ferait plus figure de vertu exceptionnelle. »

Anne Fagot-Largeault, philosophe et psychiatre, est professeure au Collège de France, où elle occupe la chaire de philosophie des sciences biologiques et médicales. Elle est notamment l’auteur de L’homme bioéthique. Pour une déontologie de la recherche sur le vivant (Maloine, 1985), Les causes de la mort. Histoire naturelle et facteurs de risque (Vrin & HEP, 1989), et avec D. Andler et B. Saint-Sernin, Philosophie des sciences (Gallimard, 2002).

Anne Fagot-Largeault,
février 2010 – 274 pages – 28 €
Collection Ethique et philosophie morale
PUF
6 avenue Reille
75014 PARIS
www.puf.com