Lucien Jerphagnon se présentait comme « historien de la philosophie ». Il est vrai que parmi sa quarantaine d’ouvrages (peut-être même plus : je ne suis pas certain de les avoir tous), la majorité en effet relatent l’histoire de la philosophie, de l’Antiquité à Pascal (visiblement il n’était pas inspiré par les philosophes des siècles suivants). Ou en proposent des dictionnaires ou des recueils de citations. Il dirigea au début des années 2000 l’édition en trois volumes des œuvres de saint Augustin dans la Pléiade.

Je viens d’affirmer qu’il s’intéressa peu aux philosophes postérieurs à Pascal ; propos que je dois nuancer car il consacra trois ouvrages à Vladimir Jankélévitch, son maître.

La profonde modestie de ce sage l’empêchait de se proclamer philosophe.

Mais il suffit de lire par exemple Servitude de la liberté ? : liberté – providence – prédestination [1] ; Qu’est-ce-que la personne humaine ? : Enracinement, nature, destin [2] ; De la banalité. Essai sur l’ipséité et sa durée vécue [3] ; De l’amour, de la mort, de Dieu et autres bagatelles [4] ; Connais-toi toi-même… Et fais ce que tu aimes [5] ; L’Au-delà de tout [6]… pour pénétrer avec une relative facilité sa réflexion, car son expression est limpide (à l’exception peut-être de De la banalité. Essai sur l’ipséité et sa durée vécue qui nécessite une lecture attentive mais qui en vaut la peine) et pour se convaincre sans le moindre doute de la singularité de sa pensée, qui n’est pas seulement celle d’un historien ou d’un universitaire.

Il n’est pas inutile de lire également ses deux romans : Caïus le dernier verdict [7] et L’Astre mort [8] qui incarnent sa réflexion à travers des personnages tourmentés.

Quelle joie pour moi de lire et relire ce philosophe, qui ne fut vraiment connu d’un large public qu’après sa mort en 2011 ; il donne envie d’être aussi sage que lui et nous ferait croire, lorsque nous refermons chacun de ses livres, que nous le sommes un peu devenus.

Je prends le pari : lisez les premières pages d’un de ses livres et vous ne pourrez plus le lâcher !

20 avril 2024

[1] Fayard, 1958
[2] Privat, 1961
[3] Vrin, Problèmes et controverses, 1966
[4] Albin Michel, 2011
[5] Albin Michel, 2012
[6] Robert Laffont, Bouquins, 2017
[7] Tallandier, 1988
[8] Robert Laffont, 2017