Spleen et idéal : XXVII – Avec ses vêtements ondoyants…

Avec ses vêtements ondoyants [1] et nacrés [2],
Même quand elle marche on croirait qu’elle danse,
Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés [3]
Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.

Comme le sable morne [4] et l’azur des déserts,
Insensibles tous deux à l’humaine souffrance,
Comme les longs réseaux de la houle des mers,
Elle se développe avec indifférence.

Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,
Et dans cette nature étrange et symbolique
Où l’ange inviolé se mêle au sphinx [5] antique,

Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants,
Resplendit à jamais, comme un astre inutile,
La froide majesté de la femme stérile.

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Georges Chelon 1997

Poème sans doute inspiré par Jeanne Duval.
[1] Dont la tenue, le tomber, imite le mouvement de l’onde (eau).
[2] Irisés.
[3] Les charmeurs de serpents en Orient.
[4] Ici au sens de : uniforme.
[5] Monstre mythologique que Junon suscita contre Thèbes ; avec la tête d’une fille, le corps d’un lion et les ailes d’un aigle ; il posait une énigme aux passants et dévorait ceux qui ne la devinaient pas.