Spleen et idéal : XLVII – HARMONIE DU SOIR

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir [1] ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux [2] vertige !

Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige [3] ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir [4].

Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir [5] !

Léo Ferré 1957

Georges Chelon 1997

Debussy – Dawn Upshaw

Debussy – Florence Losseau

Debussy – Susan Graham

Apollonie Sabatier, par Thomas Couture

Poème dédié sans doute à Apollonie Sabatier.
[1] Objet liturgique dans lequel on brûle l’encens.
[2] Qui exprime l’abandon, la langueur d’une passion amoureuse (ici au sens figuré).
[3] Qu’on tourmente.
[4] Religion catholique : autel portant le saint sacrement durant la procession de la Fête-Dieu.
[5] Objet liturgique catholique permettant d’exposer l’hostie aux fidèles.