Un sondage vient de tomber : 58 % des Français considèreraient qu’en acceptant de conduire une liste du PS aux prochaines élections régionales, le syndicaliste de Florange aurait trahi la classe ouvrière… Il eut été étonnant que les sondages ne livrent pas cette indication, tant la mise en condition médiatique a été intense depuis l’annonce de cette candidature.
La sentence est rendue, sans forme de procès : Edouard Martin est « instrumentalisé » (donc il est manipulable, voire un peu stupide : normal pour un ouvrier, non ?) ; il est « arriviste » (il l’a tant montré dans le passé, n’est-ce-pas ?) ; il est désormais « drogué à la notoriété » (mais qui furent les pourvoyeurs de sa coke, sinon ceux qui l’invitèrent à tort et à travers dans toutes les émissions où l’on bla-blate ?) ; il a « abandonné les intérêts de ses collègues » (on juge sans même attendre et voir comment il utilisera, bien ou mal, ce nouveau moyen d’action, politique cette fois). La pauvre UMP ricane du fond du trou où elle croupit ; quant au FN, comme d’habitude, il bave et aboie.
Il sera donc dit, une fois pour toutes, que les syndicalistes doivent rester dans leur coin et n’en pas bouger : pas touche au domaine réservé de la politique. A l’appui de cette idée ségrégationniste, on donne abondamment la parole à l’un de ses collègues… le leader du syndicat FO, donc son rival, récitant docile d’un « neutralisme » politique aussi stupide qu’hypocrite (vous qui avez un peu vécu, vous savez combien de bébés requins politiques : ambitieux RPR futurs UMP, ou entristes trotskystes futurs socialistes, prirent la carte à FO pour faire carrière en contournant le bastion communiste CGT ou la chapelle chrétienne CFDT).
Il sera donc dit que le PS (pour lequel je n’ai par ailleurs aucune indulgence) s’est livré là à un débauchage et devrait donc ne présenter aux élections que des permanents de l’appareil, des enseignants ou autres fonctionnaires ; tandis que la droite continuerait à ne présenter que des médecins ou avocats. Ainsi les choses resteront dans l’ordre immuable des castes, celui qui plaît aux pires des journalistes, ceux qui se croient libres et impertinents alors qu’ils sont prisonniers d’un conformisme à front de taureau et d’une pensée pas même unique, inique, d’une idéologie pas même éthique, étique…
Oui, bien sûr qu’Edouard Martin a eu raison de poser sa candidature pour prolonger son combat de syndicaliste !
Au fait : ceux qui jugent ce lutteur infatigable, ont-ils jamais lutté dans leur vie, un jour, une heure, un moment, une seule fois, sinon pour leur poste ou leur promotion ?
21 décembre 2013