Je vois rarement des films se déroulant au Chili. La dernière fois, en 2016, c’était Colonia de Florian Gallenberger, contant la mésaventure d’un étudiant allemand interné suite au coup d’Etat de 1973 dans la Colonie Dignidad, une fondation agricole et pseudo caritative créée en 1961 par un ancien nazi pédophile et protégée par Pinochet car servant aux militaires de lieu de torture et d’expérimentation bactériologique.
Le film Mariana aborde lui les persistances plus ou moins fossiles de la dictature Pinochet 30 ans plus tard et sous un angle moins grave : domestique et intra-familial.
Le titre original est Los perros, les chiens et trivialement les mecs, et l’on se demande pourquoi le distributeur français ne l’a pas retenu. Car l’ambiance est plutôt entre chien et loup et parmi les chiens qui entourent la belle ne se faufilerait-il pas un ancien loup ? Qu’est-ce là ? – Rien. – Quoi rien ? – Peu de chose – Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Mais n’anticipons pas.
La réalisatrice Marcela Said nous présente donc une tranche de vie de Mariana, 42 ans, confortablement installée dans la bonne bourgeoisie mais qui soudainement s’efforce d’échapper au personnage que d’abord son père, puis son mari, lui ont dévolu.
En conformité aux codes de sa classe Mariana échappe à l’ennui en prenant des leçons d’équitation, ce que père et mari trouvent très convenable.
Erreur grossière puisque Mariana (Antonia Zegers) prend d’autres leçons très particulières de son professeur, Juan (Alfredo Castro) 60 ans, allure de cavalier, un peu surfait cependant puisque bientôt c’est la blonde ténébreuse qui lui apprendra quelques exercices qu’il n’avait pas encore pratiqués.
Mais le cavalier-cavaleur est un ex-colonel au passé louche car suspecté de saloperies sous Pinochet. Ce en quoi il indispose mari et père, à l’hypocrisie accomplie puisqu’ils se sont enrichis pendant et grâce à ce dictateur que désormais personne n’a connu ni fréquenté.
Tout au long du film je pensais à Buñuel, évidemment, car Marcela Said développe son récit et ses images dans la même tonalité : érotisme, perversité délicieuse, ambiguïté, cruauté dans la peinture de bourgeois conformistes, lâches et machistes, onirisme voire épouvante, impeccable direction d’acteurs, importance de la bande-son musicale…
…et pessimisme, y compris sur la fin qui n’est ni happy ni emblématique d’une héroïne féminine, mais je n’en dirai pas davantage.
17 décembre 2017