2022 09 05 : Louis-René des Forêts, poète complet

Poète « engagé » comme on disait naguères : résistant, puis fondateur du Comité contre la guerre d’Algérie, avec Dionys Mascolo, Edgar Morin et Robert Antelme, autres écrivains de renom, puis signataire du Manifeste des 121 contre cette sale guerre.

Poète au sens complet que je conçois, puisqu’il fut aussi romancier, peintre et critique musical.

Louis-René des Forêts (1916-2000) fut l’ami de Patrice de La Tour du Pin, Raymond Queneau, André Frénaud, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Paul Celan, Jacques Dupin, autres poètes de sa génération.

Gallimard a publié en 2015 dans la collection Quarto le magnifique recueil de ses Œuvres complètes, et ce titre n’est pas abusif puisqu’on y trouve tous ses écrits en 1 333 pages.

Comment pourrais-je donner une opinion analytique ou synthétique de ces 1 333 pages ? Impossible évidemment.

Alors je préfère livrer un extrait d’un des Poèmes de Samuel Wood (1988, il avait donc mon âge), qui résonne comme une attitude tranquille face à la mort qui viendra :

Retire-toi sagement comme prend congé de la scène
Un vieil acteur déchu. Telle est la loi,
Il faut t’y soumettre, dire adieu à ce que tu laisses,
Pénétrer d’un pied ferme dans cette épaisseur obscure
Où c’est chose bien étrange d’avoir à revenir.
Ne t’insurge pas, ne t’afflige pas sur ton sort,
Ne tremble pas d’angoisse devant le seuil
Que tu t’apprêtes si mal à franchir,
Approche-toi du non-être sans compassion pour toi-même
Et en homme de bonne foi, salue-la cette vie
Que tu perds avec sa charge de peines et de désirs,
Son décor trop beau pour le peu de temps qu’on y joue
A se démener sur les planches, à prodiguer des paroles oiseuses
Tel un cabotin auquel ferme le bec la chute du rideau.
 [1]

Auquel fait écho, douze ans plus tard, ce fragment de Pas à pas jusqu’au dernier, recueil révisé par lui peu avant sa mort et publié l’année suivante :

Ne pas se regarder vieillir dans le miroir que nous tend la mort, non plus que la défier avec de grands mots, mais, s’il se peut, l’accueillir en silence comme sourit à sa mère un enfant au berceau. [2]

5 septembre 2022

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[1] Œuvres complètes, Gallimard – Quarto, 2015, page 985

[2] Ibidem, page 1 215