Je ne vais pas dresser ici la biographie ni l’iconographie de Suzanne Valadon, il y a des Wiki pour ça. Je rappellerai simplement qu’elle est née en 1865 et morte en 1938, donc de la génération qui suivi celle des impressionnistes.
Si elle posa pour plusieurs d’entre eux (Puvis de Chavannes, Renoir, Clary, Steinlen), c’est comme peintre autodidacte qu’elle voudra se réaliser et cela dès 18 ans ; soutenue par l’enthousiasme de Toulouse-Lautrec et de Degas. Elle parviendra à être exposée au Salon d’Automne en 1909 ; elle connaîtra alors le succès et donc l’aisance financière. Elle fut appréciée par nombre de jeunes peintres de la génération suivante : Derain, Picasso, Braque…
J’ai souvent admiré ses tableaux ; quelquefois dans des expositions (au Musée national d’Art moderne quand j’étais ado et en 2009 à la Pinacothèque de Paris, musée privé hélas disparu ; j’ai malheureusement loupé l’exposition, paraît-il remarquable, que lui a consacrée le Centre Pompidou-Metz) ; et le plus souvent dans des livres d’art.
J’étais frappé par leur force expressive et leur humanité sous des apparences naturalistes austères.
La réflexion que je formule plus clairement aujourd’hui, après 60 années d’admiration, est double :
- Ses nombreux autoportraits ne la flattent pas : Suzanne Valadon était éprise de vérité, de naturalisme et devait sans doute fuir les flagorneries et compliments intéressés.
- Ses très nombreux nus sont… très singuliers. Pas par leur nombre : depuis la Renaissance le nu féminin occupe une très large part de la peinture occidentale, d’abord sous un alibi religieux (la Bible, les anges, les saintes !) soit au prétexte de l’Antiquité grecque et latine ; puis sans alibi sinon l’argument de la beauté sensuelle ou érotique, pour complaire aux commanditaires et mécènes (puisqu’à l’époque il n’y avait pas de public). Je pense notamment aux Boucher, de Troy, Bouguereau, Gérôme, Ingres, Zorn, Hayez… et je vais m’arrêter là car trois pages d’énumération n’y suffiraient peut-être pas !
Mais les nus de Suzanne Valadon sont d’une évidence lumineuse : elle peint les femmes comme leurs semblables masculins, comme nous, comme vous, avec leurs charmes et leurs disgrâces physiques. Il ressort de ses dizaines de dessins et tableaux de nus un humanisme essentiel, donc un féminisme vital d’une radicale actualité.
11 mars 2024