Additions de la 3e édition (1868) : XI – LE GOUFFRE

Pascal avait son gouffre [1], avec lui se mouvant.
— Hélas ! tout est abîme, — action, désir, rêve,
Parole ! et sur mon poil qui tout droit se relève
Mainte fois de la Peur je sens passer le vent.

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève [2],
Le silence, l’espace affreux et captivant…
Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.

J’ai peur du sommeil comme on a peur d’un grand trou,
Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où ;
Je ne vois qu’infini par toutes les fenêtres,

Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l’insensibilité.
— Ah ! ne jamais sortir des Nombres et des Êtres !

[1] Baudelaire fait allusion au témoignage de l’abbé Boileau rapportant que Pascal croyait toujours voir un gouffre à son côté gauche et y faisait mettre une chaise pour se rassurer.

[2] La plage.