Le titre complet, que les affiches n’ont pas osé reprendre en entier, est Dora ou les névroses sexuelles de nos parents.
Soyez prévenus : ce n’est pas un film comique, c’est un film sérieux et même grave, qui traite d’une question qui l’est tout autant, sans être sérieusement abordée dans notre pays grivois, sauf depuis quelques années.
Stina Werenfels, réalisatrice suisse, transpose la pièce de théâtre du dramaturge suisse Lukas Bärfuss, qui aborde donc, vous l’aurez peut-être deviné, la vie sexuelle des personnes handicapées.
Dora (Victoria Schulz), Berlinoise handicapée mentale, atteint ses dix-huit ans et commence à éprouver des besoins sexuels. Ses parents ne perçoivent pas ce changement, mais sont légitimement fiers d’avoir mené à bien son éducation et même son début d’activité professionnelle.
Mais voilà que Dora rencontre un garçon, Peter (Lars Eidinger) dont elle tombe amoureuse et dans le même mouvement, enceinte. Désespoir des parents, d’autant que Peters semble un peu louche et antipathique tandis que la mère, Kristin (Jenny Schily) souhaite, infructueusement, avoir un deuxième enfant.
Après avoir vu ce film, après seulement, j’ai regardé ce qu’en disaient les critiques : certains l’ont trouvé rude, cru, organique, frontal, ne nous épargnant rien, sadien, clinique et scabreux. D’autres au contraire (est-ce surprenant ?) ont regretté ses esquives, ses facilités, son manque d’écriture, trop sage, trop prudent.
Bon, depuis Le Tambour ou L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty, je suis parfois un peu hermétique aux finesses et subtilités du cinéma germanique ; quant aux tentatives de transposition cinématographique de sujets psychanalytiques j’ai décroché après avoir vu Freud, passions secrètes.
Mais là, en l’occurrence, ce film est louable et, sans atteindre au chef-d’œuvre, constitue une estimable réussite. Non seulement par le jeu et la conduite des acteurs, remarquables, mais parce qu’il est sensible et surtout que la question centrale y est singulièrement bien brossée : Dora veut légitimement s’émanciper, connaître le plaisir physique dont elle a l’intuition pour l’avoir surpris chez ses parents ; mais son manque ‑ temporaire ou durable ‑ de maturité ne lui permet pas d’équilibrer la pulsion sexuelle par l’éveil sentimental et amoureux.
Grave question en effet, décisive pour elle comme pour le rôle d’accompagnement de ses proches. A cet égard, sans doute que le film ne va pas assez loin dans la réflexion ; mais il y va et c’est déjà méritoire.
16 juin 2017