2015 11 17 : PARIS, poème

Dans les épreuves et les difficultés, il est, au-delà du cercle intime, familial, amical, deux secours efficaces : la musique et la littérature, singulièrement la poésie.

Non je ne vais pas prendre en exemple Paris est une fête d’Ernest Hemingway, car ce récit quelconque est tout, sauf un hymne d’amour au Paris historique et aux Parisiens du peuple : simplement une évocation nostalgique des rencontres de bohèmes américains en goguette dans les Années folles entre Les Deux Magots, Lipp et la Closerie des Lilas…

Plus dignement, puisque ce n’est pas la première fois que la France et Paris sont mutilés par des soudards, voici un pur poème qui souffle la force et l’espoir, composé il y a plus de 70 ans, déjà !

Des milliers de femmes et d’hommes, français et visiteurs étrangers, l’illustrent en ce moment même par leur simple présence silencieuse sur les lieux de nos souffrances.

PARIS

Où fait-il bon même au cœur de l’orage
Où fait-il clair même au cœur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits

Jamais éteint renaissant de sa braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d’Août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris

Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est si fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai

Rien ne m’a fait jamais battre le cœur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré

Louis Aragon

la-diane-francaise-353215-250-400aragon poesie IPublié en septembre 1944
dans le journal La Drôme en armes n°4
et inséré en décembre 1944
dans le recueil La Diane française ;
disponible aujourd’hui dans
Aragon – Œuvres poétiques complètes I
page 1030
Bibliothèque de la Pléiade