Vu en novembre dernier au Festival du film d’histoire de Pessac Le procès du viol, documentaire format standard 52 mn de Jean-Yves Le Naour et Cédric Condom, qui obtint le Prix du public.
Ce documentaire s’ouvre sur des images d’un procès, de janvier à mai 1978 à Aix-en-Provence, qui va enfin permettre de changer la considération judiciaire accordée aux plaintes pour viol dans notre pays. Jusqu’alors en effet, un pourcentage infime de femmes violées osaient porter plainte, tant l’opprobre s’abattait d’abord… sur elles.
Et puis, dans un grand nombre de cas, l’enquête policière ou de gendarmerie ou l’instruction correctionnalisaient le viol, déqualifié donc en simple délit et non en crime, parce que (n’est-ce-pas ?) seule la pénétration sexuelle « classique » était tenue pour viol, tout autre geste d’agression sexuelle, même intrusif et direct, était minimisé en violence légère par ces enquêteurs (la plupart du temps masculins, mais quelquefois, horreur, des magistrates aussi partageaient cette attitude de déni) ; ou bien (n’est-ce-pas bis ?) « la victime a excité son violeur ».
Il y a 35 ans, ce procès survint donc totalement à rebours de tous les conformismes pesant sur une société pourtant « moderne » et « libérée ». Procès qui finit par survenir…quatre ans après les faits. Cet aboutissement fut possible grâce à l’admirable ténacité des deux victimes (homosexuelles, en plus, scandale chez les moralistes !) refusant de rester recroquevillée dans la honte et acceptant de lutter sous l’œil des médias, et grâce au combat exemplaire d’une avocate, Gisèle Halimi, et de certains mouvements féministes, dans une ambiance de haine, de violence et d’insultes inimaginables. En avocat des violeurs, qui 35 ans après n’a toujours pas bien compris : Gilbert Collard, celui du FN (n’est-ce-pas ter ?).
La diffusion de ce documentaire devrait être organisée dans tous les collèges et écoles, pour que la génération d’aujourd’hui comprenne combien nous venons de loin, combien les préjugés sociaux, religieux, culturels, infâmes et révoltants que les médias nous relatent par épisodes au Pakistan, en Indonésie, en Inde, au Bangladesh, en Afrique du Sud, au Maroc, etc. ‑ non sans une certaine commisération pour ces pays « arriérés » ‑ sont très loin des nôtres, évidemment, nous qui avons la chance de vivre dans des pays « évolués ». Très très loin… d’à peine 50 ans.
Notre société judéo-chrétienne fut toujours indulgente envers le viol (lisez ou relisez la bible et la mythologie grecque) et même les philosophes des Lumières au XVIIIe siècle perpétueront ce préjugé complice (Rousseau, hélas ! Voltaire, hélas !).
13 janvier 2014