2017 01 11 : La fille de Brest – film

Là, plus que jamais, je me suis précipité dès que j’ai pu pour voir ce film.

Il faut dire que dans mon activité professionnelle, j’avais apprécié le travail de lanceur d’alerte (l’expression n’était d’ailleurs pas encore forgée) d’Irène Frachon. Mais j’ai conservé de cette époque, à titre personnel, une amère frustration :

J’avais été l’un des premiers sans doute, en juin 2010, à lire son livre Mediator 150 mg, Combien de morts ? et à y croire.

Conviction devenue certitude en lisant fin août 2010 une tribune dans Le Monde, intitulée également Mediator : Combien de morts ? signée par Gérard Bapt, député PS et rapporteur spécial de la mission santé pour la commission des finances, médecin faisant autorité et homme de grande stature morale.

Néanmoins, hélas, confronté là cruellement aux aléas du travail de rédacteur en chef d’un magazine vivant de la pub, mon projet d’article avait été, disons… retardé. « Irène Frachon ? Elle a travaillé sur des statistiques de la Sécu, donc non médicales. Gérard Bapt ? Il n’exerce plus depuis longtemps. » Voilà ce qui me fut opposé, et cela non par les responsables publicitaires de la revue, mais par deux médecins.

Et c’est ainsi donc qu’on me fit perdre des mois : mon premier texte ne parut qu’en février 2011 [1] et le deuxième en décembre 2011 [2]. Je n’étais plus précurseur, la grande presse s’était déjà largement saisie de l’affaire. Heureusement d’ailleurs.

Je reviens à l’essentiel pour l’édification du grand public ; donc au film d’Emmanuelle Bercot.

Au CHU de Brest, la pneumologue Irène Frachon (Sidse Babett Knudsen) découvre un lien statistique entre certains décès peu explicables et la prise régulière par les victimes d’un coupe-faim, le Mediator, en vente depuis 30 ans officiellement comme antidiabétique.

Irène Frachon est moyennement soutenue, si ce n’est par son confrère Antoine Le Bihan (Benoît Magimel), un peu hésitant mais qui sera néanmoins professionnellement victime du lobby. Heureusement Irène Frachon est entourée d’une famille solide.

Puisque c’est une histoire vraie et que ce beau film la respecte scrupuleusement, je n’en dirai pas plus sinon qu’il faut aller le voir… mais le public ne m’a pas attendu !

On sait comment cette histoire hélas vraie s’est finie : la forte parole d’Irène Frachon fut enfin entendue, la nocivité du Mediator fur reconnue (elle l’avait été 10 ans plus tôt dans d’autres pays, en Espagne par exemple !).

Histoire finie ? Pas totalement, puisque 6 000 dossiers sont toujours en instance auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux.

La réforme pour mettre fin aux conflits d’intérêts des experts en pharmacovigilance siégeant à la Haute Autorité de Santé… mais souvent rémunérés pour leurs recherches cliniques par les labos pharmaceutiques, est loin d’être parachevée.

Quant au procès pénal des Laboratoires Servier… il n’a pas eu lieu. Le parquet de Paris n’a pas encore formalisé son réquisitoire de renvoi devant le tribunal correctionnel, pour un audiencement en 2019, en 2020 peut-être ?

Mediator 150 mg, Combien de morts ? Au fait, oui, en effet : combien de victimes seront mortes à l’ouverture de ce procès ?

11 janvier 2017

[1] DH Magazine n° 136

[2] DH Magazine n° 141