Ce serait un lieu commun, un compliment banal de célébrer Aimé Césaire.
Aimé Césaire le politique, certes était parfois sans ligne directrice fixe, sinon, et évidemment c’est essentiel, restaurer la dignité et la liberté des peuples Antillais. Car s’il se fit quelques illusions sur le sinistre Pétain, s’il oscilla ensuite du communisme au royalisme, avec un crochet bref mais réel du côté du sarkozysme, avant que sa protestation « Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’Histoire », ressassée par discordante laryngite verbale de l’histrion en « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » [1] ne l’ait éclairé sur le personnage.
Reste que c’est Aimé Césaire qui inventa le terme, un peu oublié aujourd’hui mais fondateur dans les années 50 et 60, de négritude, par lequel il refusait les prétentions « d’assimilation culturelle » de notre métropole bien-pensante, sournois prétexte à perpétuer en douceur, en douce, en accommodation capitaliste, notre supériorité colonialiste sur les Noirs.
Mais c’est surtout Aimé Césaire le poète qui m’intéresse. Celui qui dès 1947 avait discerné les ambiguïtés de notre nouvelle passion progressiste pour le jazz [2]. Celui qui ne cessa de nous offrir de magnifiques poèmes sur sa culture, sa mémoire, ses rivages, ses souvenirs de négritude.
Par exemple Survie [3] en 1941, ou A l’Afrique [4] dédié à son ami l’immense peintre cubain Wilfredo Lam qui, comme lui, ambitionnait de « défendre la dignité de la vie ».
C’est Aimé Césaire le poète qui vient nous dire encore « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » [5].
Car Aimé Césaire, politique parfois indécis, sait en poète exprimer clairement et avec force l’inaltérable aspiration des Nègres à la libération, dans de nombreux poèmes comme Couteaux midi [6] ou Le temps de la liberté [7] ou encore Pour saluer le Tiers Monde [8] qu’il dédie à Léopold Sedar Senghor.
Aimé Césaire, grand poète du XXe siècle mérite d’être donné en exemple à la jeunesse et livré au remord des racistes imbéciles qui à peine délaissé (en apparence) le racisme antisémite se reconvertissent avec une délectation infecte en racistes anti-Arabes et anti-Noirs.
18 janvier 2016
[1] Nicolas Sarkozy, allocution à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Sénégal) le 26 juillet 2007.
[2] Aimé Césaire, La Poésie, Seuil, édition 1994 page 33.
[3] Aimé Césaire, ibidem page 91.
[4] Aimé Césaire, ibidem pages 189 et 461.
[5] Aimé Césaire, ibidem page 21.
[6] Aimé Césaire, ibidem page 195.
[7] Aimé Césaire, ibidem page 349.
[8] Aimé Césaire, ibidem page 373.