2025 04 11 : Silvia Avallone – Cœur noir

Dans le minuscule hameau de Sassaia, un écart du village d’Alma dans la montagne piémontaise, un jour d’automne Emilia vient s’installer dans la maison abandonnée d’une tante défunte. La population va donc augmenter de 50 % puisqu’ils n’étaient plus que deux habitants avant elle : Bruno, l’instituteur d’Alma et Basilio, vénérable peintre et restaurateur des petites églises du canton.

On ne vient pas vivre à Sassaia sinon pour se retirer du monde, voire pour se cacher. On apprend rapidement que Basilio a choisi d’y vivre dans la clarté de l’art pour s’écarter de ce monde sinistre qu’il méprise. Bruno lui s’y réfugie dans la lecture et l’éducation des enfants. Emilia, diplômée des Beaux-Arts pour son mémoire sur Le Caravage, peintre et assassin, se met rapidement au service de Basilio pour restaurer une fresque du Jugement dernier.

On saura progressivement, par ce genre d’indices, par bribes peu à peu divulguées, que Bruno et Emilia ont connu des malheurs qu’ils voudraient oublier. Sassaia leur est donc un asile, ou plutôt un point de fuite statique dans ce fond de vallée que l’hiver survenu rend glacial et silencieux.

Ces deux âmes solitaires, on l’aura deviné, s’assembleront vite dans une union fulgurante, une sorte de paix armée de tourments douloureux.

Un ami ayant lu le livre un peu avant moi me disait avec déception que Silvia Avallone usait et même abusait tout au long de son récit d’un discours mélodramatique pesant et d’une romance sirupeuse.

Alors je protestai : certes il y a dans ce roman, comme dans les précédents de l’autrice, des situations qu’on peut estimer mélodramatiques et des bons et surtout beaux sentiments qui viennent en contrepoint des médiocrités et méchancetés. Mais quant au fond, l’émotivité et le sentimentalisme sont la meilleure part que j’apprécie de l’esprit italien ; ils irriguent les opéras italiens les plus beaux, n’est-ce-pas ?

Et ce n’est qu’une facette de ce tempérament, car Silvia Avallone est au-delà du mélodrame lorsqu’elle décrit avec indignation et colère la condition judiciaire faite aux adolescents qui tombent ; lorsqu’elle rend un hommage vibrant aux travailleurs sociaux, aux travailleuses surtout, car face aux mineures délinquantes ces femmes sont exceptionnelles. J’en ai connues indirectement puisque mon père exerça plus de trente ans la coordination de centres, foyers, structures de l’enfance et de l’adolescence inadaptée ou en danger ; c’était avant que les financiers sans autre sentiment que leur dévotion au fric démolissent ces acquis et fassent de l’ASE ce qu’elle est hélas aujourd’hui.

Les femmes italiennes, que de stupides mâles français croient toutes soumises et assujetties, peuvent être flamboyantes de liberté et de personnalité, et en remontrent à tant de piètres prétentieux masculins, à commencer par le chante pas clair qui nous tient lieu de Président, caquetant interminablement, ridiculement perché sur son petit tas de télé merdique.

J’ai entendu récemment que Silvia Avallone admire Elsa Morante, magnifique antidote à la vilenie ambiante qui monte peu à peu. Comme je partage cette vénération ! J’ai eu l’occasion de l’exprimer et de dire mon amertume de ne l’avoir lue plus tôt, tout encombré que j’étais par les littérateurs italiens mâles, les meilleurs certes mais aussi quelques médiocres.

Silvia Avallone, Elsa Morante, Goliarda Sapienza, et tant d’autres, quel superbe florilège !

11 avril 2025