Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils [1].
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf [2] les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève [3]
Le mystique [4] aliment qui ferait leur vigueur ?
— Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie [5],
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Georges Chelon 1997
Terragon 2022

Charles Baudelaire, 1848 autoportrait