Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde [1].
Je hais les testaments et je hais les tombeaux [2] ;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
Ô vers [3] ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs [4], fils de la pourriture,
À travers ma ruine [5] allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Georges Chelon 1997