Additions de la 3e édition (1868) : VIII – L’AVERTISSEUR

Tout homme digne de ce nom
A dans le cœur un Serpent jaune,
Installé comme sur un trône,
Qui, s’il dit : « Je veux ! » répond : « Non ! »

Plonge tes yeux dans les yeux fixes
Des Satyresses [1] ou des Nixes [2],
La Dent dit : « Pense à ton devoir ! »

Fais des enfants, plante des arbres,
Polis [3] des vers, sculpte des marbres,
La Dent dit : « Vivras-tu ce soir ? »

Quoi qu’il ébauche [4] ou qu’il espère,
L’homme ne vit pas un moment
Sans subir l’avertissement
De l’insupportable Vipère.

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Les Fleurs du mal, par Rodin

[1] Equivalent féminin des satyres. Invention d’artistes, car les satyres grecs étaient exclusivement masculins.
[2] Nymphes séductrices ou génies des eaux dans les mythologies germaniques.
[3] Sens littéraire : rédiger soigneusement, de façon délicate, raffinée.
[4] Qu’il esquisse, qu’il envisage.