2022 11 20 : Premières urgences – documentaire

Voici un reportage qui se déroule juste à côté de chez moi, dans un lieu que j’ai fréquenté quelques fois : l’Hôpital Delafontaine de Saint-Denis.

Nous y suivons Amin, Evan, Hélène, Lucie et Mélissa, trois filles et deux garçons, cinq internes en médecine affectés au service des urgences de Mathias Wargon pour y effectuer leur premier semestre de stage.

Excellente expérience « immersive » comme on dit aujourd’hui à tout propos, sauf que là, ce n’est pas de l’art visuel numérique mais de l’art médical concret.

Vont-ils tenir le coup face à la réalité harassante de l’hôpital, telle qu’illustrée dans leurs cours et livres… mais plutôt ses péripéties ordinaires, moins glorieuses, triviales et souvent pénibles ?

Le réalisateur Eric Guéret est en quelque sorte un spécialiste hospitalier, puisqu’en 2015 il avait réalisé un film sur les urgences, celles de l’hôpital Avicennes de Bobigny, donc déjà dans le 9-3. Il y montrait la lente dégradation de notre système de santé et la grande fatigue des équipes soignantes.

 

A Saint-Denis il est évidemment servi, car ici comme partout, en sept ans d’inaction sauf verbale, factice et mensongère, cela s’est considérablement aggravé : le « service public hospitalier » psalmodié mais délabré et qui commence à sombrer, les soignants exténués… mais jamais découragés, les violences, le manque de lits. Totalement exempt d’une démagogie voyeuriste, le reportage évite cependant de racoler avec des scènes de chaos ou de bons sentiments.

C’est d’abord un vibrant plaidoyer pour l’hôpital public, sa nécessité, sa grandeur, et une condamnation sans appel, par l’exemple et par l’image, de la politique de la performance, de la rentabilité, de la « gouvernance entrepreneuriale » qui ravage nos hôpitaux depuis déjà 20 ans. Et de l’énorme hypocrisie des gouvernants qui portent aux nues les soignants, proclament « le patient au centre de nos préoccupations »… et suppriment des lits, mutent les directeurs d’ARS pourtant dociles et ne prescrivent aucun remède efficace, sinon médiocrement palliatif.

Et je sais de quoi je parle : j’ai participé aux premières années de cette phase d’étranglement.

 

20 novembre 2022