2022 10 31 : Musée d’Orsay – Edvard Munch

Désolé, désolé, j’y arrive pas… Je n’ai jamais été sensible à Edvard Munch mais pour faire plaisir et parce que je suis d’un accommodement admirable, je me suis laissé vaincre, et donc convaincre de traîner mes pas réticents, pas à reculons non mais presque, à l’exposition Edvard Munch que propose actuellement le Musée d’Orsay.

J’ai fait l’effort le plus extrême, poussant ma sensibilité déjà outrée dans ses derniers retranchements d’indulgence, tentant de voir dans les toiles de Munch un deuxième degré d’espérance, un troisième degré de joie, voire un quatrième degré d’allégresse ; et d’en retenir uniquement l’esthétisme, le graphisme… nenni, nenni peau de chien !

Heureusement qu’à Orsay en dehors de cette expo honorablement très temporaire il y a aussi l’expo permanente, avec des œuvres plus folichonnes, comme par exemple (mais si vous voulez en voir plus, allez-y vous-même !) d’Auguste Clésinger la Femme piquée par un serpent qui n’est pas piquée des vers (taisez-vous vipères non-lubriques !) et que Charles Baudelaire loua, car on dit que la modèle du sculpteur, la très modelée Apollonie Sabatier [1], fut la maîtresse du poète, et qu’il avait coutume « Quand l’heure des voluptés sonne, Vers les trésors de ta personne Comme un lâche, ramper sans bruit.. » [2]

.

Tout aussi antipodalement de Munch je repris encore un peu de joie de vivre en admirant d’Henri Gervex la désirable Marie, luxurieuse contemplation pour laquelle une autre irréfutable excuse littéraire m’est fournie, puisqu’elle fut versifiée par Alfred de Musset (taisez vous, hyènes rigoristes) : « Jacques était immobile, et regardait Marie… » [3]

J’aurais pu chercher, dans une salle infernale à l’écart du grand public, le chaste mais suggestif portrait de la courtisane Marguerite Steinheil dont la compétence excessivement insistante fit défunter d‘épectase en son boudoir élyséen le Président de la République Félix Faure, ce qui inspira au féroce Georges Clemenceau la célèbre saillie (si j’ose dire) : « Il se croyait César, il n’est mort que Pompée »

Mais finalement je préférai aller me réconforter d’Edvard Munch et oublier son cri, son désespoir, ses morts et ses mélancolies en allant écluser modérément un petit Jasnières (du domaine de Rimbault, évidemment, pour continuer de conjuguer verres et vers) au bistrot en face du Palais de la Légion d’Honneur, où mon Papa a un beau dossier à son nom… Non mais !

31 octobre 2022

[1] D’état civil Aglaé Joséphine Savatier, n’est-ce pas ravissant ?

[2] Baudelaire, Œuvres complètes complètes, Les Fleurs du Mal, A celle qui est trop gaie – Bibliothèque de la Pléiade, page 141 de l’édition de 1961

[3] Musset, Poésies complètes, Rolla – Bibliothèque de la Pléiade, page 290 de l’édition de 1993