Je voulais aller voir ce film parce qu’il se passe à Haïti.
Haïti « notre » ex Saint-Domingue qui fut sous l’ancien régime notre colonie la plus riche grâce à l’exploitation de 500 000 esclaves importés d’Afrique pour engraisser 40 000 colons Blancs.
Haïti que nous avons trahie une première fois sous Napoléon, en déportant au fin fond du Jura Toussaint Louverture qui avait été nommé gouverneur général par la Convention républicaine.
Haïti que nous avons trahie une deuxième fois en la livrant au chaos économique et politique, lui imposant une rançon énorme pour « dédommager » non pas les ex-esclaves… mais leurs ex-propriétaires, dette qui ne sera jamais effacée par la France et qu’Haïti remboursera donc jusqu’en… 1972.
Haïti recolonisée en 1914 par le grand pays de la Liberté, j’ai nommé les USA, qui se retirent officiellement 30 ans plus tard en installant le dictateur criminel Papa Doc puis son fils Baby Doc. Les USA qui continuent de tirer les ficelles en lui imposant un mortel programme néolibéral, puis, en coup de grâce, l’intervention du FMI, livrant le pouvoir politique à un ballet incessant de fantoches, de prévaricateurs et, actuellement, de chefs de gang, de mercenaires étrangers et de narco-trafiquants.
Mais le film n’aborde pas directement, et c’est sans doute tant mieux, il y a des documentaires pour ça, l’interminable malédiction qui frappe Haïti depuis deux siècles.
L’œuvre de l’Haïtienne Gessica Généus s’attache à la vie de femmes courageuses : Freda (Néhémie Bastien), sa mère Janette (Fabiola Rémy) et sa sœur Esther (Djanaïna François) dans un quartier populaire de Port-au-Prince.
Face aux difficultés de la vie quotidienne, elles se demandent s’il faut s’exiler comme des dizaines de milliers l’ont fait et continuent de chercher à le faire.
Mais elles restent : malgré la situation chaotique, aggravée tant et pire par les épidémies, les ouragans, les inondations et les séismes, elles veulent espérer en l’avenir de leur pays.
Un film magnifiquement tourné et magnifiquement interprété. Mieux qu’un documentaire vous dis-je : un inoubliable témoignage de femmes exemplaires, pétries de doutes, d’excentricités et d’illusions mais en même temps lucides et déterminées.
15 octobre 2021