2018 08 08 : Arythmie – film

Nous nous plaignons du fonctionnement des services d’urgences dans nos hôpitaux : à juste titre si l’on apprécie leur évolution historique. Moi qui les ai bien connus dès la fin des années 1970 je ne peux qu’être atterré par leur délabrement, leur engorgement, le désengagement presque total de la médecine libérale qui renvoie toute l’urgence, la petite comme la moyenne, vers les portes de l’hôpital public.

Consterné… mais il faut savoir relativisme garder. C’est ce que le réalisateur Boris Khlebnikov nous fait salutairement éprouver : là-bas, en Russie, c’est pire de chez pire !

Voici un hôpital où le directeur zélé et servile impose des réformes motivées par la seule rentabilité (bon jusque-là, vous me direz, Russie et France, c’est kif kif…) et où Katia (Irina Gorbacheva) et Oleg (Alexander Yatsenko) sont un couple d’urgentistes écrasé de travail.

Alors Oleg cède au péché pas très mignon des Russes : l’alcool. Alors Katia ne se retrouve plus dans son couple et songe à s’en aller. Mais ces deux personnages sont attachants et les deux acteurs sont superbes, toujours dans le ton juste.

Quant à la mise en scène, elle ne cède pas au pathos ou à la grandiloquence dont on taxe, souvent abusivement, l’âme et le cinéma russes. Elle est sobre et dense, en retenue, calme et même drôle, malgré le sujet et les scènes tragiques, grâce au défilé de patients parfois picaresques.

La chronique subtile de la dérive du couple ne vient pas alourdir artificiellement la peinture sociale.

On sort de la séance en songeant que peut-être, là-bas comme ici, le monde des urgences et la vie des urgentistes sont assez illustratifs de l’état de la société, de son capitalisme de plus en plus sauvage, impitoyable et destructeur.

8 août 2018