2017 10 28 : Sans adieu – documentaire

Les Monts du Forez, vous connaissez ? Rien que de les contempler de loin, en été, depuis l’autoroute A89 qui vous mène de Clermont-Ferrand à Saint-Etienne, vous ressentez le froid austère de ces bois de sapins sombres, vous devinez les fougères et les genêts et les tourbières. Vous ne pouvez-vous retenir d’imaginer l’hiver interminable et ses mètres de neige et ses nuits noires épousant ces bois noirs. Et de noirs corbeaux, bien sûr, et des loups gris sans doute, et peut-être même la Bête du Gévaudan qui doit venir là rôder en voisine.

Bref, une vue de citadin pour qui la montagne n’est belle en été que sillonnée de GR et de radelages et en hiver que dotée de remonte-pentes, canons à neige et restaurants d’altitude.

Pourtant dans le Forez, il y a encore quelques fermes et c’est ce que nous démontre ce beau documentaire de Christophe Agou. Claudette est une veille paysanne qui doit se débattre dans un combat d’arrière-garde face à cette société qui ne la considère plus (à supposer qu’elle l’ait jamais considérée, sauf au moment des élections lorsque les paysans et leurs prêtres étaient nombreux).

Claudette et ses amis tentent donc de contenir cet irrésistible « progrès » qui déprécie leurs terres, leurs bêtes, leurs ressources et… leurs vies.

Si vous ne voyez qu’un seul film par an sur la ruralité française, alors c’est celui-ci qu’il faut aller voir. Il nous donne une terrible leçon : que dans nos campagnes ne vivent pas seulement des techniciens du territoire chargés de la gentrification qui rime avec désertification, des gardiens de réserves, des aménageurs de parcours, des baliseurs de sentiers et des élagueurs de sites remarquables, mais une humanité, tout simplement.

Qui s’efface et va bientôt disparaître dans l’indifférence d’une société marchande qui ne la respecte plus.

Jamais la phrase de Marx dénonçant la logique du profit, pour laquelle aucune chose n’existe si elle n’a une traduction comptable et tend implacablement « à noyer toutes les valeurs préexistantes dans les eaux glacées du calcul égoïste » ne m’a paru mieux illustrée, sans pourtant qu’aucun discours politique ne soit ici asséné à l’appui des images.

28 octobre 2017