2017 06 09 : Orpheline – film

J’exposais il y a peu que je pensais avoir compris qu’un film « difficile », c’est un film malaisé à réaliser, à tourner, à parachever… ou à commercialiser.

Je viens d’en voir un, Orpheline, dont on peut dire, je l’admets, qu’il est difficile… à regarder ! Le réalisateur Arnaud des Pallières l’a bien cherché, ne reculant en effet devant aucune difficulté.

Je ne dévoilerai pas l’intrigue car il faut entrer dans le film sans presque rien en savoir.

J’indique simplement qu’il narre l’histoire d’une seule et même femme, Karine, à quatre âges de sa vie, mais en adoptant une chronologie inversée, et en la dotant de prénoms différents : Renée (Karine adulte : Adèle Haenel), Sandra (Karine adolescente : Adèle Exarchopoulos), Karine (Karine à 13 ans : Solène Rigot) et Kiki (Karine enfant : Véga Cuzytek).

Adèle Haenel

Les quatre situations sont différentes, mais toujours difficiles : Renée femme dans la maturité persuadée d’avoir laissé son passé derrière elle, erreur… Sandra adolescente fugueuse récidiviste, un peu nymphomane mais nympho triste, comme disait Mallarmé, la chair est moins sinistre cependant que le foyer familial. Karine la gamine provinciale qui monte à Paris, y risque le désastre et en réchappe de peu. Enfin, donc au début, Kiki enfant à la campagne, jouant une partie de cache-cache qui tourne mal…

Difficile si l’on veut le parti pris esthétique : une prise de vue privilégiant les images fortes, voire brutales, les très gros plans parfois dermatoscopiques, l’éclairage violemment contrasté.

Adèle Exarchopoulos

Le montage défie la difficulté lui aussi, jouant la virtuosité, presque trop, fragmenté et complexe au point de nous donner le vertige.

Pourtant, au-delà de ce cumul de difficultés qui peut effectivement dérouter, nous avons là un authentique conte philosophique ; ou, si j’ose dire, de la philosophie filmée ; une réflexion abstraite mais qui parvient cependant à se matérialiser en images et séquences.

Une réflexion admirablement réussie à mon avis sur le temps humain : celui qu’il faut pour s’assembler, se rassembler, atteindre à l’apaisement, du moins à l’armistice, entre les facettes conflictuelles d’une personne.

Solène Rigot

Une réflexion singulière sur les origines complexes et multiples d’un être, qui finit par s’unifier dans une femme accomplie.

Et nous sommes invités à contribuer à la construction de cette unicité, un peu comme lorsque enfants nous nous livrions au jeu simple de faire apparaître une figure en reliant au crayon des points numérotés.

Véga Cuzytek & Nicolas Duvauchelle

Ce film difficile (bon voilà, je l’aurai dit !) mais fascinant repose aussi sur un solide quarteron de seconds rôles : Tara (Gemma Arterton), Darius (Jalil Lespert), le père de Karine (Nicolas Duvauchelle), et Maurice (Sergi López).

9 juin 2017