Oui, j’étais une fois encore ‑ j’essaie de ne pas en louper un seul – au concert que Khatia Buniatishvili donnait ce 4 mars en France, à Paris, salle Pleyel.
Placé presque au premier rang, j’indique d’emblée ‑ pour faire grincer les grincheux ‑ qu’une fois encore Khatia portait un somptueux fourreau moulant, pas autant que celui de Marylin Monroe pour l’anniversaire de JFK mais presque ; cette fois d’un blanc argenté scintillant sous les spots de Pleyel.
Car Khatia, de son physique, elle en joue et nous enjoue et nous nous réjouissons de surprendre dans l’assistance les yeux brillants de messieurs d’âge mûr (donc plus jeunes que moi ? Je ne peux le croire !) et les regards outrés de quelques rombières…
Bon, ceci c’était à son arrivée puis lors des saluts, donc quelques instants fugitifs ; car l’essentiel, l’important, survient lorsque Khatia joue. Alors plus rien d’autre ne compte que ses doigts sur le clavier.
Et que se renouvelle ce miracle d’interprétation que je ne peux totalement m’expliquer : Khatia joue Ravel et Moussorgski et je suis immédiatement persuadé que Ravel et Moussorgski sont présents, que leur œuvre nous est offerte sans intermédiaire, que l’âme de ces musiciens vient alors habiter la personne de Khatia.
Par exemple, Gaspard de la nuit et La Valse de Ravel : j’avais en mémoire peu de versions et je m’y suis donc reporté après le concert : rien à faire, Khatia donne à son interprétation une dimension que ne trouva pas Alexandre Tharaud, pourtant excellent ; seul Samson François soutient la comparaison, à 45 ans d’intervalle !
Ou encore Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski : l’an dernier je les avais entendus par David Kadouch, l’un des meilleurs de cette génération… Il me faut pourtant dans ma discographie remonter à Richter (en 1956 !) pour retrouver une interprétation de la même densité.
Lors de la séance de dédicaces, à laquelle elle se plie toujours avec scrupule et simplicité, notre artiste portait au bras une décalcomanie aux couleurs de l’Ukraine, rappel de la solidarité qu’elle et sa sœur Gvantsa portent à ce pays, à ses tourments actuels, et qui doit leur rappeler cruellement les souffrances endurées par leur patrie, la Géorgie, elle aussi longtemps brutalisée par la Russie, encore récemment avec le conflit de 2008.
Une fois de plus les amateurs de musique et les admirateurs de Khatia Buniatishvili auront été comblés, jusqu’aux deux bis qui ponctuèrent la soirée d’une tonalité féérique qui aujourd’hui encore perdure dans mon esprit.
Moussorgski – Tableaux d’une exposition – Khatia Buniatishvili – Pleyel 4 mars 2014